jeudi 26 octobre 2017

Les vestiges de Honaine, un site majeur pour le patrimoine culturel national

 Publié Le : Mardi, 24 Octobre 2017 16:56    Lu : 139 fois
TLEMCEN - Les vestiges historiques de Honaine, commune chef-lieu de daïra située à une cinquantaine de kilomètres de Tlemcen, constituent un site majeur pour le patrimoine culturel national, a indiqué mardi l’archéologue et historien Abderrahmane Khelifa.
Cette cité renferme de nombreux sites et monuments historiques millénaires qui ont fait d’elle un passage obligé pour la "Route de l’or", a-t-il évoqué lors d’une conférence intitulée "Honaine la médiévale", animée au Centre des études andalouses de Tlemcen relevant du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH).
Cette importance, Honaine la doit à la triangulation qui marque son implantation à quelques vols d’oiseau de Siga, berceau du royaume de Syphax (Ain Temouchent), Altava la romaine (Ouled Mimoune actuellement) et Pomaria, a-t-il signalé, rappelant qu’elle a fait l’objet, en 1993, de sa thèse de doctorat soutenue brillamment à l’université d’Aix En Provence.
Honaine fut appelée par les romains Gypsaria et Artisiga. Les espagnols lui donnèrent l’appellation de "One", a indiqué le conférencier.
Son intérêt pour Honaine remonte à 1970, année à laquelle il décida de lancer des fouilles archéologiques sur place pour mettre à jour d’importants sites et monuments historiques enfouis, par les effets du temps et par les occupants espagnols et coloniaux, notamment, a-t-il fait savoir. Certains de ces monuments, dont des stèles très anciennes, sont  exposés au musée de Tlemcen, a-t-il ajouté, déplorant les dégradations subies par la cité médiévale du fait des constructions.
Honaine, qui a connu une grande apogée après la naissance d’Abdelmoumène Ben Ali El Mouahidi El Koumi, fondateur de la dynastie des Almohades, drainait l’or à travers son passage où des ruines existent toujours, notamment des tours de guets, dont celle de Sidi Brahim. Les expéditions d’Abdelmoumène Ben Ali après sa rencontre avec Ibn Toumerte à Bejaia, vont conférer à cette cité un rôle majeur, a-t-il évoqué, rappelant la destruction du vieux rempart de l’ancienne cité, par les habitations édifiées en 1928 et par le village de regroupement de l’armée coloniale française en 1950.
Les fouilles effectuées par Abderrahmane Khelifa ont permis de mettre à jour, également, la Casbah et le port et son chenal, entre autres. Les ports de Mahdia en Tunisie, de Salé au Maroc et de Bejaia en Algérie avaient ce même type de chenal qui ouvrait la voie du port aux embarcations, a-t-il fait savoir, rappelant la prise en main de la "Route de l’or" par la tribu de Banou Hillal aux dépens des rois zianides.
Selon le conférencier, ces mêmes fouilles ont mis au jour de nombreuses maisons comme décrites par Léon l’Africain au 15ème siècle, renfermant 12 formes de puits et des céramiques vernissées. Cette même cité abrita le port des Ifrenides, lequel deviendra plus tard le port le plus important des Almohades en Afrique du Nord, qui sera par la suite l’un des deux ports des Zianides de Tlemcen. Le port sera partiellement détruit en 1534, après une brève occupation espagnole. Honaine a vu débarquer un nombre important de réfugiés Morisques.
Lors des débats, l’accent a été mis par l’orateur sur l’intérêt de protéger ce qui reste de vestiges enfouis sous terre à Honaine, ainsi que les parties de remparts et tours de guet encore debout.
L’assistance s’est intéressée, également, au livre écrit en 2007 par Abderrahmane Khelif et intitulé "Honaine, ancien port du royaume de Tlemcen"  qui décrit cette cité qui abritait le vieux port qui constituait, entre la période allant du 13eme au 15eme siècle, la porte du Maghreb arabe par laquelle s’opéraient les échanges de commerce entre l’Andalousie, l’Europe et l’Afrique.
Cette rencontre s’insère, selon le responsable du centre Ismet Touati, dans le cadre du cycle de conférences mensuelles, colloques et journées d’études, organisés entre mai et septembre, par ce centre qui se consacre à la recherche.
Last modified on mardi, 24 octobre 2017 17:03

vendredi 18 août 2017

La wilaya de Mila pourrait devenir un pôle pour le thermalisme à part entière compte tenu du nombre important de sources thermales qu’elle recèle et de l’importante affluence que ces établissements connaissent même en période estivale.

Comment trouvez-vous l’état du patrimoine culturel algérien classé par l’Unesco depuis des années ? Pensez-vous que ce patrimoine culturel universel soit suffisamment pris en charge en matière de réhabilitation et de préservation ?
Vous faites là référence aux sept sites du patrimoine mondial que j’ai eu l’honneur de faire classer lorsque j’étais en activité avec les conservateurs des sites, à savoir la Qal’a des Béni Hammad (1980), le Tassili n’Azjer (1982), Tipasa (1982), Djemila (Cuicul) (1982), Timgad (1982), la pentapole du Mzab (1982) et La Casbah d’Alger (1992). Ces sites représentent toutes les grandes phases historiques de notre patrimoine et protégeaient ainsi de grands ensembles avec un périmètre de sauvegarde de deux cents mètres en zone rurale et 50 mètres en zone urbaine. Ces sites sont traités comme tous les autres sites nationaux qui sont aussi importants et n’ont aucune protection particulière.
Nous avions, avec des collègues, proposé au début de l’année 2016, la création d’un organisme pour gérer uniquement ces sites. Cela ne s’est pas concrétisé malheureusement. Il faut remarquer que l’Algérie, malgré ses moyens, n’a plus réussi à classer le moindre site historique depuis ces années…
La plupart de ces sites qui couvrent des dizaines d’hectares, n’étant pas surveillés correctement, sont l’objet de vandalisme de la part des visiteurs. Il suffit de citer la nécropole de l’ouest de Tipasa, où les sarcophages sont éventrés régulièrement par des «chercheurs de trésors». Dernièrement, Le Figaro, journal français, a fait paraître un article relatant l’état du Tombeau royal maurétanien, il y eut un branle-bas de combat, alors que des professionnels dénoncent régulièrement cet état de choses depuis quelques années, sans que les autorités bougent. Le responsable du site a reçu un avertissement, alors qu’il n’y est pour rien…
Les sites qui sont loin d’Alger sont évoqués lorsqu’il s’y déroule un festival, à l’instar de ceux de Timgad ou de Djemila. Là aussi les dégâts sont importants lors de ces manifestations, car les organisateurs ne contrôlent pas toujours le flux des spectateurs et cela occasionne des destructions. Je me trouvais, il y a quelques années, à Timgad, quelques jours après le festival et j’ai pu constater les dégâts : des murs effondrés et même une vidange faite sur la voie antique par un camion de l’ENTV sans compter ici et là l’installation de fontaines…
Les sites du patrimoine mondial reçoivent des dizaines de milliers de visiteurs (écoliers, visiteurs, surtout nationaux) qui ne sont pas canalisés pour la visite des monuments qu’ils voient. Le site devient un lieu de détente pour les enfants, qui peuvent monter sur les murs ou sur le sommet de monuments comme celui du tombeau royal maurétanien ou jouer au football…

Le tourisme algérien ne peut pas être attractif si son patrimoine culturel n’est pas valorisé. Le gouvernement algérien dans ses discours ne cesse d’évoquer un développement économique national avec l’apport d’autres richesses que celles des hydrocarbures. Quel est votre commentaire ? Pourquoi cette inadéquation entre le discours et la réalité de l’état du patrimoine algérien qui continue à perdurer ?
Oui, au niveau du bassin méditerranéen, nous avons des sites majeurs et des circuits attractifs qui incluent les sites du patrimoine mondial. Nous avons en plus un tourisme cultuel, qui inclut les trois religions monothéistes et c’est un grand avantage (Tombeau du Rab à Tlemcen, Sidi Oucha près de Ghazaouet, Annaba, Souk Ahras, Timgad et autres sites pour le christianisme, Sidi Okba, Sidi Boumediène, la Zaouia Tidjania, le Mouwsem de Timimoun..pour les pèlerins musulmans). Les sites du Touat Gourara ne bénéficient d’aucune protection et sont en train de disparaître sous le béton ou l’abandon. Pourtant ils sont situés dans des paysages de rêve.
Malheureusement les infrastructures d’accueil ne suivent pas. Je ne parle pas seulement des hôtels, mais de la formation du personnel touristique et culturel. En effet, si vous prenez le seul site de Tipasa, vous ne trouvez pas de guides formés, ni de brochures ou de CD pour garder un souvenir de votre passage. Le tourisme est un tout.
Le seul site de Pompéi reçoit 2,5 millions de visiteurs par an. Des villes comme Barcelone, Rome, Florence, Venise… reçoivent plus de 10 millions de visiteurs ! Celui du Colisée 4, 5 millions de touristes. Nous paraissons débordés pour moins de 100 000 visiteurs… Car le personnel des sites est peu qualifié et se réduit la plupart du temps à un responsable  et des gardiens, Il n’y a ni restaurateurs ni architectes.
A ce propos, nos architectes qualifiés n’ont jamais fait des opérations de remontage d’édifices ou de restauration des monuments existants sur les sites…On m’a fait savoir que le minaret de la Qal’a des Béni Hammad, site musulman du patrimoine mondial, se fissure dangereusement.. Aucune étude pour le conforter et le consolider n’est, à ma connaissance, en voie de le faire…

Le risque du déclassement des patrimoines culturels par l’Unesco est-il possible ? Les conséquences du déclassement des sites, au moment où notre gouvernement propose d’autres sites à l’Unesco ?
Beaucoup de nos sites classés au patrimoine mondial peuvent être déclassés si on considère que les conditions de protection et de mise en valeur ne sont pas respectées. Les risques de déclassement sont évidents et l’Unesco est en droit de le faire quand un site subit des dégradations ou des constructions qui nuisent à sa visibilité ou à l’intégrité de son territoire. La Casbah est dans un piteux état.
Oui, c’est assez paradoxal. Mais maintenant l’Unesco est plus exigeante et demande aux Etats membres des garanties de protection. Vous remarquerez que des sites ou des monuments comme les Djeddars ou le Khroubs attendent toujours d’être classés. C’est pour cela qu’on axe plus sur le patrimoine immatériel, ce qui est plus «facile» du point de vue protection.

Des experts de l’Unesco viennent de rendre visite au site archéologique et au port de Tipasa. Nous sommes bien curieux des conclusions de leur mission, sachant que les gestionnaires du secteur de la culture avaient mis tout en œuvre pour que cette visite d’inspection des missionnaires de l’Unesco se déroule dans la discrétion la plus absolue. Or, durant les années 90, la visite des experts de l’Unesco avait toujours été caractérisée par des déclarations sur le site avec les journalistes. Comment interprétez-vous ce black-out médiatique voulu par les décideurs du secteur de la culture ?
Oui, une mission a été effectuée par l’Unesco pour voir les dégâts enregistrés sur le promontoire central qui donne sur le nouveau port de plaisance. Ce sont les conséquences de la construction du port entre le promontoire central (le phare où se trouve le forum) et le promontoire est (la nécropole de Sainte Salsa) qui porte atteinte à l’intégrité du site. Le caveau punique du IVe siècle avant l’ère chrétienne est perdu au milieu des barques et risque bientôt de disparaître. En plus de cela, le site est vandalisé et des sarcophages sont régulièrement profanés par des pilleurs. Les visiteurs n’hésitent pas à pique-niquer et à se baigner à l’intérieur du site, laissant des tas d’immondices et de bouteilles en plastique. Il ne faut pas incriminer les responsables des sites qui ont de la bonne volonté, mais qui gèrent avec les moyens du bord.
En ce qui concerne le black-out concernant les médias, cela ne sert à rien, puisque l’Unesco a dépêché des experts qui sont au courant et qui feront des rapports circonstanciés. Donc pourquoi cacher le soleil avec un tamis, comme dit un proverbe de chez nous. Je me rappelle qu’en 2006, la responsable du secteur nous avait empêchés de faire des conférences sur trois sites du patrimoine mondial (Casbah, Tipasa et Timgad) comme si ailleurs on ne connaissait pas la réalité du terrain

En votre qualité d’expert, quel regard  portez-vous à présent sur la situation, mais surtout que préconisez-vous pour sauver ce qui reste de ce patrimoine matériel qui souffre du mépris et de l’incompréhension de son environnement ? Le diagnostic avait été effectué? Mais pourquoi cette impuissance affichée à l’égard de ces témoins des civilisations qui avaient voulu immortaliser leurs passages dans notre pays.
Il me semble que les structures du patrimoine qui activaient effectivement sur le terrain ont été démantelées ces quinze dernières années. Les circonscriptions archéologiques ont été supprimées. Tout est géré à partir de la structure centrale du ministère.
On a démantelé l’Agence d’archéologie de protection des monuments et sites historiques. Cela a dispersé les forces qui étaient à peine naissantes, pour multiplier les organismes (Office de gestion des biens culturels, Centre national de recherches archéologiques, Agence nationale des secteurs sauvegardés, Centre pour l’architecture de terre, Agence des grands projets…) avec l’embellie financière qu’a connue notre pays. Ainsi, l’OGBC ne s’occupe que de la vente de tickets d’entrée ou presque, car nous n’avons pas de travaux dignes de ce nom sur les sites du patrimoine mondial.
Les responsables des sites ne sont pas consultés pour la tenue ou non d’un festival sur leurs sites, car ils ne sont que de simples fonctionnaires qui dépendent d’un chef de service puis d’un directeur de la culture, dont les préoccupations ne sont pas nécessairement relatives au patrimoine archéologique ou historique. Tous les autres aspects (restauration, recherche, fouilles, mise en valeur sont éparpillés en autant de centres… Cette dispersion des missions a amené le ministère de la Culture à se désengager d’un site du patrimoine mondial comme La Casbah d’Alger, qui est actuellement sous la tutelle de la wilaya d’Alger. Les visiteurs sont frappés par le non-ramassage des ordures et cela repousse de prime abord le touriste (voir les bennes à ordures devant le palais Mustapha Pacha qui est un monument très visité en Basse Casbah)

Quel est l’impact social et économique d’un patrimoine valorisé et entretenu en Algérie ? Pouvez-vous nous citer un exemple seulement, en mesure pour notre pays de s’inspirer de cet exemple afin de booster l’économie nationale?
L’impact économique et social est évident à la proximité d’un site. Ce dernier est pourvoyeur d’emplois (boutiques d’artisans, vendeurs de souvenirs, restaurants, hôtels, cafés, guides…), les sites du patrimoine mondial arrivent à peine à promouvoir cet élan économique. Cela pourrait se faire à grande échelle, mais pour ce faire il faut des infrastructures valables, une organisation qui puisse rendre attractif et canaliser le flot des touristes. Malgré ses sites d’une beauté remarquable, l’Algérie n’arrive pas à attirer les touristes.
Alors que d’autres pays avec moins de moyens chiffrent le nombre de leurs touristes en millions d’individus, comme l’Espagne, avec ses monuments musulmans (Grenade, Cordoue, Séville…), la Turquie, la Tunisie ou le Maroc. Ce patrimoine est à valoriser, car il est, en plus, le témoin vivant de notre passé et du fait qu’il est constitutif de notre identité, nous devons le protéger, le promouvoir et le valoriser. Nos sites et nos musées sont très riches en objets archéologiques et nous font voyager à travers le temps. Si vous partez à Tipasa, vous passez la journée à vous acheter de quoi manger ou vous allez au restaurant.
Donc la population locale profite de ces «choses mortes que sont les sites» et si le tourisme était mieux organisé, le profit serait beaucoup plus important. Là encore on préfère partir ailleurs, car les prestations ne sont pas à la hauteur de la beauté des sites archéologiques et elles sont plus chères.
M'hamed Houaoura