lundi 28 mars 2022

 

25e SILA: une démarche commune préconisée pour la restitution des œuvres d'art à l'Afrique

 Publié Le : Samedi, 26 Mars 2022 20:58    Lu : 21 fois

ALGER - Des participants à une rencontre sur la restitution des œuvres d'art africaines organisée samedi en marge du 25e Salon international du livre (SILA), ont suggéré une démarche "commune" des Etats africains pour le retour des ces biens culturels dans leurs pays d'origine.

S'exprimant lors d'une rencontre sur la restitution des œuvres d'art africaines, l'archéologue et historien, Abderrahmane Khelifa, a appelé à une "prise de conscience" à même de sensibiliser sur l'importance et la valeur historique de ces œuvres d'art, pillées durant la période coloniale.

"Un nombre d'œuvres sont déplacées et exposées dans des musées prestigieux de France comme le musée de l'Homme de Paris", indique ce chercheur et ancien responsable du secteur de la culture, aujourd'hui membre du Conseil consultatif du patrimoine culturel.

Parmi ces objets d'art, des gravures rupestres et une mosaïque provenant de Constantine sont dans les collections des musées français", a encore relevé ce chercheur et auteur d'ouvrages sur le patrimoine culturel algérien dont "Alger, histoire et patrimoine" et "Béjaia, capitale des lumières".

Pour réussir cette démarche administrative, M. Khelifa a suggéré d'abord une préparation préalable qui consiste à doter les musées d'outils en mesure de garantir la restauration et la sauvegarde des œuvres.

Pour sa part, la romancière sénégalaise, Sissi Ngom a estimé que la demande de restitution à l'Afrique des œuvres d'art pillées lors de la colonisation, "exige une démarche commune des Etats africains, appuyée par les leaders politiques des pays concernés".

Pour faire aboutir cette démarche, a-t-elle enchaîné, chaque pays "doit établir une liste des biens et objets d'art qui ont une valeur historique et rituelle".

Au sujet de son premier roman "Le silence du totem", qui évoque la problématique de la restitution des œuvres d'art, l'auteur a expliqué que la littérature est "le moyen le plus approprié pour toucher les esprits et susciter une  émotion chez le lecteur".

Elle a rappelé que son pays a mis en place en novembre 2021 une commission spéciale pour la restitution des collections sénégalaises conservées dans les musées occidentaux.

Le 25e SILA prévoit des rencontres sur l'histoire et la mémoire, en commémoration du 60e anniversaire de la fête de la Victoire, célébrée chaque 19 mars, en plus de conférences sur la littérature, la traduction et le patrimoine.

Inauguré officiellement jeudi, le SILA se poursuit jusqu'au 1er avril au Palais des expositions des pins maritimes avec 1250 exposants, proposant quelques 300.000 ouvrages, et l'Italie comme invitée d'honneur.

jeudi 3 mars 2022

 


CULTURE / CULTURE

ABDERRAHMANE KHELIFA, HISTORIEN ET ARCHÉOLOGUE

“Certains travaux dans la Casbah font fi de l’authenticité des lieux”

© D.R

La Journée nationale de la Casbah, célébrée il y a quelques jours, vient rappeler l’immense tâche qui reste à accomplir afin de préserver ce joyau millénaire. Même si de nombreuses enveloppes ont été allouées pour sa réhabilitation, reste que l’ancienne Citadelle, selon l’avis de l’historien et archéologue Abderrahmane Khelifa, “est en train de perdre peu à peu de ce qui faisait sa gloire”.

Liberté : L’état de conservation de la Casbah préoccupe de plus en plus depuis plusieurs années. Quel regard portez-vous sur le sujet en tant qu’historien et archéologue ?

Abderrahmane Khelifa : Un regard très pessimiste, car le site historique se dégrade à vue d’œil. Le site d’El-Djazaïr avait été créé par Bologguin Ibn Ziri depuis la moitié du Xe siècle selon les géographes sur les restes de la ville antique Icosium, elle-même issue d’une ville plus ancienne Eikosim. Au début du XVIe siècle Mohammad Hassan El-Wazzan dit Léon l’Africain qui visite la ville affirme que c’est une ville de 4000 feux (maisons) bien abritée à l’intérieur de remparts solides. Les historiens ou les voyageurs qui ont visité la Casbah parlent d’un chiffre variant entre 8000 et 18 000 maisons sur une superficie d’environ 55 ha comprenant 141 mosquées et zaouïas, 170 fontaines publiques, 65 bains.En 1830, l’occupation française procède à des destructions dans la vieille ville en traçant des pénétrantes et en démolissant une grande partie de la ville basse avec le quartier de la Marine, la création de la place du Gouvernement (actuelle place des Martyrs) et le boulevard du 8-Novembre (actuel boulevard du 1er-Novembre), etc.

Quel est l’état actuel des bâtisses de la Casbah ? Y a-t-il espoir de les sauver ?

Le nombre de maisons diminue inexorablement et la presse signale par intermittence l’écroulement d’une maison avec son lot de morts. Quand on déambule à l’intérieur du site de la Casbah, on est effaré par le nombre impressionnant de maisons dont les murs sont fissurés et qui menacent ruine. On ne parle plus de travaux sur l’ensemble du site historique. 
On nous avait fait croire qu’une fois le plan de sauvegarde adopté tout irait bien. Il n’en fut rien. Le plan de sauvegarde fut adopté et les ruelles de la Casbah furent privées du bruit des brouettes. Les étais placés en urgence il y a plus de vingt ans sont encore en place sans que personne ne réagisse.

Sept projets de réhabilitation de palais, monuments et bâtisses historiques du secteur sauvegardé de la Casbah d'Alger sont en cours. Comment les opérations se passent-elles, sachant que ces bâtisses sont extrêmement fragiles ?

Quand on parle de sept projets de réhabilitation, on réduit terriblement nos ambitions, puisque l’ensemble de la vieille ville est considéré comme site du patrimoine mondial (1992) et que l’ensemble de la vieille ville doit être considéré comme patrimoine historique selon la loi. On ne prend donc en considération que des monuments historiques classés. 
C’est un aveu d’impuissance qui est dû essentiellement aux différents changements de responsabilités (une fois c’est le ministère de la Culture, une autre fois c’est la wilaya). Il n’y a pas de vision claire quant à la prise en charge des monuments historiques. 
Les travaux de restauration de la Citadelle vont à un rythme très lent, puisque les travaux ont commencé depuis plus d’une trentaine d’années. 
Certains travaux effectués ne semblent pas, à mon humble avis, tenir compte de l’authenticité des lieux (la présence d’un ascenseur au palais des Beys est-elle nécessaire ?)

Selon les rapports de l’Unesco sur l’état de préservation de la Casbah, les facteurs d’aggravation sont, entre autres, l’érosion naturelle, l’occupation anarchique des sols et la perte des techniques traditionnelles de conservation. Comment envisager sa sauvegarde en prenant en compte ces éléments ?

Les facteurs d’aggravation des bâtisses sont multiples. Il y a une surdensification de la population. De plus, il n’y a pas de police urbaine pour empêcher les constructions illicites. Personne n’empêche les surélévations dans les terrasses qui se font en toute impunité. Puis le poids des nouvelles constructions amène l’effondrement des maisons.
L’eau est un autre facteur de détérioration. Quant aux techniques traditionnelles (briques traditionnelles, chaux, sable…), elles ont été abandonnées depuis longtemps. Les habitants réparent et défigurent avec du parpaing et du ciment. 
 
D’importantes enveloppes financières ont été attribuées pour sa restauration. Où en est l’état de sa conservation avec ces aides ?

Au début des années 2000, à une époque où le pétrole était au plus haut, on a préféré faire des années de la Culture à Alger, Tlemcen, Constantine, en gaspillant des sommes colossales qui auraient pu servir à la restauration de la Casbah, de la vieille ville de Tlemcen et de Constantine. 
Que reste-t-il de ces actions? Rien. Pas même des publications. Plus, des monuments historiques à Constantine ou à Tlemcen ou même à Alger, attendent encore une réhabilitation hypothétique. 
 
Et qu’en est-il de la réhabilitation des biens privés ainsi que le squat des habitations qui menacent de s’effondrer ?

La loi 98-04 prévoyait des mécanismes pour aider financièrement les particuliers à restaurer leurs bâtisses. 
Cela n’a jamais fonctionné et il n’y a jamais eu de suivi. Aussi, sans aide, les particuliers se sont retrouvés seuls face à des problèmes d’aide à la construction ou même à des accompagnements techniques.
En conclusion, la Casbah, haut lieu de notre histoire, est en train de perdre peu à peu de ce qui faisait sa gloire. 
Même les associations de protection de ce patrimoine sont découragées devant l’immobilisme des autorités.

 

Entretien réalisé par : Yasmine Azzouz

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