mardi 4 février 2020

CULTURE / CULTURE

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ABDERRAHMANE KHELIFA, CHERCHEUR ET AUTEUR, À “LIBERTÉ”

“Les Algériens ignorent pour la plupart l’histoire de leur pays”

© D. R.

Parmi les nombreux  auteurs  invités au Salon du livre de Tizi Ouzou (18-23 janvier) figure Abderrahmane Khelifa, cet infatigable  chercheur  féru d’histoire, protecteur du patrimoine, citoyen soucieux  de  la sauvegarde et de la transmission.  Rencontré sur place, en marge  de  la  conférence qu’il  a  coanimée  avec  Kamel  Stiti,  le  directeur  du  Parc  culturel   de Laghouat, il a bien voulu répondre aux questions de Liberté.
Liberté : Un mot sur votre participation à ce Salon du livre.
Abderrahmane Khelifa 
: Je suis heureux de participer avec les éditions Gaia à cette 12e édition du Salon du livre de Tizi Ouzou, avec des livres historiques, l’un sur Alger, l’autre sur Béjaïa, ainsi que le tout dernier qui est une chronologie de l’Algérie. Mais ma participation effective est une conférence que j’ai animée sur l’histoire de l’Algérie depuis deux millions quatre cent mille ans jusqu’à nos jours.
J’ai présenté des images de monuments à caractère historique à travers toutes les périodes de notre histoire. Ce qui est important à souligner, c’est la présence de jeunes lycéens qui étaient étonnés mais ravis de connaître l’histoire de leur pays de Tébessa à Maghnia et d’Alger à Tamanrasset à partir de sites et de monuments existants. 
Quelle est selon vous l’utilité de ce genre de rencontres ? 
Justement, ce genre de rencontres va permettre à nos jeunes élèves et lycéens de sortir du cercle restreint de leur wilaya, de découvrir leur pays et de s’ouvrir à d’autres régions du pays et même de s’ouvrir au monde. Et cette initiative qui est prise par la wilaya de Tizi Ouzou d’inviter la wilaya de Laghouat est une idée magnifique et incroyablement positive. Quoi de plus beau que de voir ces gens de Laghouat habillés en burnous à poils de chameau rencontrer leurs hôtes kabyles en burnous blanc.
C’est beau de voir ce croisement, et c’est utile de remonter à l’histoire et de savoir que cette ressemblance de coutumes et de costumes remonte à loin ; les études ont prouvé ce lien qui vient de l’époque numide des Massyles, les Massylii, et confirment la rencontre et le croisement parfois de ces gens du désert, ces nomades, avec les Berbères sédentaires. D’où l’importance justement de ce genre de rencontres pour rappeler cette histoire.
Faudrait-il les relancer et les multiplier, selon vous ? 
Oui, faire beaucoup de rencontres sur l’histoire du pays et surtout un peu partout sur le vaste territoire qu’est l’Algérie. Les gens sont très demandeurs, et nos jeunes sont curieux de tout, ce sont les initiatives qui font défaut. Par ailleurs, ce que j’ai beaucoup apprécié ici, et je tiens à le dire, c’est que les organisateurs offrent des livres. 
Et nous avons besoin d’offrir des livres. L’auteur a besoin de voir ses livres offerts comme présents, tout comme l’éditeur qui a besoin d’être encouragé. Quel beau geste que d’offrir ou de se faire offrir un livre comme cadeau au lieu d’un diplôme dont on n’a que faire. On a déjà notre diplôme universitaire qui nous suffit. C’est le livre et l’auteur qui doivent être valorisés. 
Pourquoi cet intérêt pour les villes d’Algérie dans vos travaux de recherche ? 
Justement, à travers mes recherches, puis mes publications, c’est à dire “des livres qui vont pérenniser des lieux, des dates et des monuments”, je tiens par-dessus tout à intéresser chaque lecteur, chaque citoyen, à sa ville, à son environnement, et lui faire comprendre que là où il vit c’est une page d’histoire qui s’y est écrite tout aussi importante que les autres régions du pays. Et qu’il doit donc s’y intéresser et en être fier. 
Vous avez publié récemment Chronologie de l’histoire de l’Algérie...
Chronologie de l’histoire de l’Algérie a été très bien accueilli par les lecteurs et a connu un franc succès lors des signatures au Sila ou en librairie. Il s’agit d’un livre où j’ai voulu répertorier toutes les dates de l’occupation de l’Algérie par différentes dynasties, car j’ai constaté que les Algériens ignoraient, pour la plupart, l’histoire de leur pays. Ce travail est destiné à tout le monde et pas seulement aux initiés, c’est pourquoi il n’y a pas de détails ou de commentaires, ce sont juste des dates accompagnées d’images pour appuyer et convaincre de la véracité du fait. Car les gens ont besoin de voir pour y croire. 
C’est le cas par exemple de la région de Aïn Boucherit à côté de Sétif, premier berceau de l’humanité depuis deux millions quatre cent mille ans ; il fallait donner une image pour que les gens y croient. C’est une forme didactique d’apprentissage. C’est ma façon à moi d’intéresser le citoyen à son passé, à son identité, de le pousser à voyager dans d’autres villes, de lui donner envie de connaître l’autre et d’apprécier la richesse et la diversité de l’Algérie à travers son histoire et son patrimoine.