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lundi 7 mai 2012

el Moudjahid 2 mai 2012


Conférence de l’historien et archéologue Abderrahmane Khelifa : Une ville au passé millénaire à sauvegarder

C’est à un véritable cours magistral devant un auditoire attentif que nous a conviés samedi dernier Abderrahmane Khelifa qui s’est exprimé sur la problématique des vestiges archéologiques de la ville d’Alger à sauvegarder de manière quasi impérative.
PUBLIE LE : 03-05-2012 | 0:00
D.R
Avec une parole de chercheur, pour ainsi dire, presque omniscient dans son domaine et possédant dans son verbe un certain talent d’orateur, notre historien, tout en brossant l’histoire fastueuse d’une ville qu’il a au cœur, tant il en connaît les moindres recoins historiques dans une parfaite chronologie, a évoqué devant le public ses préoccupations et ses inquiétudes quant au devenir du patrimoine matériel de la capitale en voie de disparition, dont les quelques traces encore vivantes sont complètement méconnues des Algérois. C’est sans doute un hasard de la programmation de l’établissement Arts et Culture que d’avoir pensé à organiser une rencontre avec ce chercheur qui coïncide avec le mois du patrimoine. Toujours est-il que l’assistance a eu droit à des projections de diapositives sur une rencontre intitulée «Alger, histoire et patrimoine», des images et photographies qui illustraient à chaque intervention ou point de vue soulevé les propos du conférencier. Ainsi, on découvre que cette belle ville d’Alger qui fait face à la Méditerranée qui, en raison des maintes convoitises étrangères, subira une succession de conquêtes et d’invasion, était autrefois un territoire fort limité à l’est et à l’ouest qui s’étendait sur 52 hectares et qu’il y avait autrefois une population estimée à peine à 100 000 habitants.
Ce n’est certes pas le visage topographique que l’on lui connait aujourd’hui mais bel et bien un espace extra-muraux puisque «La ville d’Alger s’arrêtait à l’ouest à Bab Azzoun et vers l’est à Bab el Oued. Elle était confinée dans les remparts qui datent de l’antiquité. Au-delà de la ville, il y avait une nécropole romaine qui était assez importante qu’on a découverte en construisant le lycée Bugeaud vers 1863 et évidemment toute cette zone avait des contours qu’on lui connaissait à l’époque médiévale et ottomane», affirme notre intervenant qui, tout au long de son discours fort instructif, nous amènera dans un premier temps à voyager à travers l’histoire d’Alger et ce que sont devenus certains vestiges situés dans La Casbah et qui menacent de tomber en ruine : «Quand j’ai fait mon beau livre intitulé Histoire d’El Djazaïr, Beni Mezghana, je ne pouvais pas montrer ce qui n’était pas beau dans la ville, je me suis contenté de belles images mais Alger ce n’est malheureusement pas que cela. Je veux attirer l’attention des pouvoirs publics sur le fait que notre ville est un trésor inestimable et que c’est notre carte d’identité. Chaque fois qu’une maison tombe, c’est un peu de notre identité qui s’en va. Le patrimoine, c’est-à-dire ces   biens que nous ont légués nos ancêtres que vous pouvez trouver à Timgad, Djemila, Sidi Okba ou Hippone dont il faut absolument prendre soin, sinon il risque d’être dilapidé si on reste inconscients de cet héritage», dira notre conférencier qui nous montre une image de dar Mustapha-Pacha, un des plus beau palais d’Alger où se trouve un dolmen. On apprend à ce sujet qu’entre Chéraga et Aïn Benian, il y aurait 30 dolmens qui datent de 5.000 ans avant notre ère. «Ce qui signifie que très tôt, le site d’Alger a été habité et évidemment a été occupé jusqu’au grand rocher. On a trouvé des vestiges qui remontent à
300. 000 ans», ajoute notre intervenant qui nous montre sur une autre image une stèle épigraphique, le seul vestige à Bab Azzoun où est inscrit le nom d’Alger d’«Icosium», la véritable carte d’identité de la capitale. «Les différents responsables de la mairie ne savent pas l’importance de ce vestige qui est peint à la chaud, une substance qui le dénature complètement. Et là, je lance un appel pour qu’on décroche cette stèle pour la conserver dans un musée et la préserver, parce que demain, elle peut tomber ou être démolie», constate notre intervenant. La conquête coloniale, les soldats français qui étaient arrivés sur la ville au nombre de 35 000 auraient détruit plus de 300 maisons et 11 mosquées pour construire à l’intérieur de la ville au lieu d’aller à côté. «Alger a connu différentes périodes, et là où il y a actuellement la fameuse station de métro, où l’on est en train de construire un
souterrain, on a trouvé des vestiges, une stratigraphie. Le problème du métro, dont on discute aujourd’hui, est qu’il met en  danger La Casbah puisque cette dernière n’est pas construite sur des fondations mais simplement constituée de maisons qui se soutiennent les unes aux autres et bâties sur un massif schisteux», ajoute notre orateur qui tout au long de son judicieux exposé nous montrera des images prises en hélicoptère qui font partie de sa collection personnelle et qui donnent une vue panoramique de la ville.
    Lynda Graba