mercredi 1 août 2012




LITTÉRATURE ET PATRIMOINE

Sauvegarder notre patrimoine par l’écrit

Par 
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Des livres qui parlent, des écrits qui restent. Quelle meilleure façon de sauvegarder le patrimoine culturel algérien que celle d’éditer des livres qui en parlent et qui vous interpellent?
Les Editions Anep font partie de ces éditeurs soucieux de préserver la richesse culturelle, sauvegarder le patrimoine artistique et les sites naturels de notre pays, à travers des travaux de recherche et des ouvrages qui resteront pour la postérité comme témoins d´une conscience et gage d´une profonde connaissance. Trois ouvrages parus récemment méritent de l´attention. Le premier est un beau livre qui parle d´Alger et de son patrimoine. Intitulé: Alger, Histoire et patrimoine, cet ouvrage écrit par Abderrahmane Khelifa, docteur en histoire et en archéologie, se veut un travail de recherche et de documentation sur le passé historique de la ville d´Alger, El Djazaïr, depuis l´époque préhistorique jusqu´à l´époque actuelle. Ce sont donc ses espaces, ses lieux et ses hommes qui sont revus et revisités à travers des pages et des pans d´histoire. Ce sont ses gouverneurs, ses beys et ses deys qu´on apprend à connaître à travers des récits comme pour Baba Arouj Raïs, Kheïr -ed-dine Pacha, Ahmed Pacha, Ramdane Pacha, Hussein Khodja, Mehmet Baktach, Dali Ibrahim, Ali Khodja, Omar Agha et d´autres. Ce sont aussi des mosquées qu´on découvre au fil de notre lecture, comme Djamaâ Ali Bacha, Djamaâ Seïda, Djamaâ kouchet Boulabah, Djamaâ Zaouiet moula Hassan et autres méconnus ou peu connus. Ce sont aussi ses hammams, ses marchés, ses maisons et ses monuments qui sont répertoriés dans cet ouvrage de référence qui a nécessité un long travail de recherche et de documentation, et qui a surtout le mérite d´exister et de servir à la sauvegarde de la mémoire d´Alger.
Un second livre mérite tout autant d´attention. Il s´agit de La Joie des âmes dans la splendeur des paradis andalous. C´est un livre sur la musique andalouse, accompagné d´un CD et d´un DVD de l´artiste Beihdja Rahal, elle-même coauteur de cet ouvrage avec Saâdane Benbabaâli. Hymne à l´amour, soupir de femme et délice de poésie, ce livre se veut tout cela et bien plus encore. Dédié «à toutes les femmes, mères, soeurs, amoureuses, amantes ou épouses sans lesquelles les plus beaux jardins de l´Andalousie seraient pour les hommes que des lieux de solitude, tristes et stériles», cet écrit qui laissera trace dans les annales de l´édition algérienne, est un puits de découvertes du monde musical andalou. Poursuivant leur périple «poético-musical», les deux auteurs nous font visiter à travers le thème «Fleurs et jardins dans la poésie andalouse chantée», l´univers poétique floral présent dans des poèmes chantés. Un répertoire de près d´une cinquantaine de chansons est traduit en français et de belles illustrations sont là pour accompagner cette splendeur du verbe. Joignant l´utile à l´agréable, ce livre bilingue (arabe-français) est un pur délice qui donne cette sensation de sérénité et qui mène vers cette «joie des âmes dans la splendeur des paradis andalous». Mohamed Souheil Dib, quant à lui, nous donne à voir dans son ouvrage paru chez le même éditeur Le Trésor enfoui du malhûn, une anthologie de la poésie populaire algérienne qui s´étale sur plus de 300 pages et qui répertorie quelques noms de la poésie religieuse, courtoise, poésie de la résistance, l´éloge funèbre et autres thèmes. Un travail de documentation a été nécessaire, une recherche approfondie a dû être effectuée pour découvrir et apprécier la poésie de quelques auteurs célèbres, mais hélas! peu connus, tels que Ben Sahla, Ben Cheikh Al-Hasnaoui Lakhdar, Djallûl Al-Hamisi, Al- Brâzy et autres noms. C´est ainsi que la belle parole est préservée et que l´oral devient écrit. De tels ouvrages méritent de voir le jour, car le patrimoine, tous domaines confondus, doit être sauvegardé...

Le 20 octobre 1541 Charles Quint attaqua Alger

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le 28.10.11 | 01h00 Réagissez

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Parmi les actes fondateurs de l’Etat algérien, il en est un qui vit la résistance de la population d’Alger à l’invincible armada de Charles Quint. Cet événement, qui s’est déroulé il y a 470 ans exactement, a changé la géopolitique de la Méditerranée et du Maghreb pour des siècles. Dans un dernier sursaut, le Maghreb échappait à la mainmise totale de l’Espagne et de façon durable sur le bassin occidental de la Méditerranée. Cette zone de la Méditerranée fut un enjeu politique et militaire entre les deux grandes puissances de la Méditerranée qu’était l’Empire ottoman et l’empire de Charles Quint. Alger fut un enjeu de taille qui mobilisa la présence de l’empereur à la tête de l’expédition.

Depuis 1536, Kheir Ed Dine, appelé à de hautes fonctions auprès du sultan à Istanbul, avait été remplacé au gouvernement d’Alger par un de ses officiers, Hassan Agha, qui avait été recueilli enfant sur les côtes de la Sardaigne et qui avait poursuivi l’œuvre de son père adoptif en s’emparant de Biskra, Mostaganem et Tlemcen, et en renforçant la flotte d’Alger.
Celui-ci eut à faire face à la plus formidable flotte réunie en Méditerranée durant le XVIe  siècle. En 1541, sous le pontificat de Paul III, une expédition comportant une flotte de 600 voiles, dont 65 grandes galères, montées par 12 000 marins et 24 000 soldats (Laugier de Tassy donne le chiffre de plus de 30 000), commandée par Charles Quint et à laquelle participa la fine fleur de la noblesse d’Espagne, d’Italie et d’Allemagne et les chevaliers de l’Ordre de Malte, se dirigea sur Alger. Le pape avait voulu que son neveu Colonna en fît partie. Une bulle du Pape absolvait de tous les péchés ceux qui mourraient en combattant les infidèles et leur promettait la couronne du martyre. Hassan Agha, lui, avait fait des préparatifs en fonction de cette attaque.
Un document de l’époque relate cette préparation : «Hassan s’occupa à fortifier la ville et à la mettre en état de résister à l’ennemi. Il reconstruisit les murailles, répara ce qui était écroulé, les garnit de canons ainsi que les tours. Il employa quatre cents chrétiens à ce travail… Ensuite, il envoya chercher le cheikh de la ville et se fit remettre la liste des hommes de chaque quartier… Le gouverneur fit couper tous les arbres des jardins, pour que l’ennemi ne puisse pas s’y dissimuler pendant le combat : les premiers arbres coupés furent ceux de son propre jardin.» L’armada arriva dans la baie d’Alger le 20 octobre 1541 et jeta l’ancre près du cap Matifou (Tamentfoust), soit trois jours avant la fin de djoumada II 948 de l’hégire. Le gardien de la mer informa Hassan Agha de l’arrivée de la flotte : «J’ai essayé de compter la flotte chrétienne, mais je n’ai pu y réussir, mes yeux étaient obscurcis par cette multitude de vaisseaux.» Le débarquement commença le 23 octobre sur la rive gauche de l’oued El Harrach, et le 24, l’armée commença à encercler Alger par le sud.

90 000 hommes

D’après une source locale : «Hassan Agha demanda à Sidi Saïd El Chérif, le cheikh de la ville, d’envoyer des gens sur les tours et sur les murailles pour les garder et combattre l’ennemi. Hassan mit également des chefs pour garder les portes avec des troupes de soldats : à Bab Azzoun était posté un des principaux hommes de guerre, nommé El Hadj Mami, célèbre par sa bravoure. Hassan se tint dans un des forts d’Alger dont les canons battaient l’ennemi sur terre et sur mer… Il plaça au-dessus de la porte Bab El Oued un immense canon dont le bruit terrifiait l’homme et dont les décharges anéantissaient l’âme. De cet endroit jusqu’à La Casbah, le commandement fut confié à un caïd. Il se nommait Hassan. Le gouverneur chargea le caïd Youssouf de la défense de Bab El Oued. Il y avait avec lui trois autres caïds : l’un, appelé Safar, fut placé à une tour, le second, Aslan, à la partie inférieure des murailles, et le troisième, Ramdhane, sur un point quelconque. Quant à Kutchuk Ali et Haïder, ils furent placés à la Porte de l’Ile (porte de la Marine) ayant avec eux le capitaine général de la marine, nommé Khidr, et une troupe de raïs.»
L’avant-garde de l’expédition contre Alger était formée par les Espagnols sous le commandement de Fernand de Gonzague. Au centre se tenait l’empereur avec les troupes allemandes ; les Maltais et Siciliens, avec les chevaliers de Malte, composaient l’arrière-garde, sous le commandement de C. Colonna. Selon le chroniqueur local : «Le roi d’Espagne débarqua avec 90 000 hommes et passa la nuit du dimanche à lundi sur l’emplacement appelé El Hamma. Il y avait un des principaux Turcs qui résolut d’aller attaquer de nuit les chrétiens. On lui ouvrit les portes de la ville… Cette sortie eut lieu lorsqu’il restait encore un quart de la nuit. Les infidèles ne s’en doutèrent pas, car la saison était pluvieuse… sinon au moment où les musulmans jetèrent le désarroi parmi eux et firent une décharge de fusil en une seule fois. Ils lancèrent aussi des flèches, ce qui causa un trouble extraordinaire... Les Algériens rentrèrent en ville après avoir tué beaucoup d’ennemis. Le lundi, les chrétiens se mirent en marche vers la ville, ayant avec eux le tyran et s’approchèrent des murailles, en bon ordre.
Ils ressemblaient, aux yeux des habitants, à des masses de fourmis noires remplissant la plaine. Il y avait parmi eux 4000 cavaliers. On commença à leur envoyer des remparts, des coups de canon, des balles et des flèches. Ce jour-là, des soldats turcs marchèrent au combat et montrèrent une grande valeur, entre autres El Hadj Bacha, El Hadj Mami, Khidr, El Hadj Bekir qui livrèrent jusqu’à la nuit une bataille acharnée. Les ennemis revinrent à Ras Tafourah où ils établirent leur camp. Ils s’emparèrent de toutes les collines et se disposèrent à attaquer la ville.» L’empereur installa son quartier général sur une colline appelée Koudiat El Saboun afin de tenir la ville sous les feux de son armée. Cette petite colline, qui disposait d’un petit bastion, domine l’actuel hôtel El Aurassi, et qui porta le nom de Fort l’Empereur.  Charles Quint envoya un messager à Hassan Agha pour lui demander de se rendre, lui faisant valoir qu’il avait été baptisé et qu’il devait revenir à sa religion originelle. De plus, il lui fit remarquer que Tunis, beaucoup plus grande et mieux défendue, avait succombé sous les coups de l’armée impériale (1535).

Et vint la tempête

Hassan Agha repoussa ces arguments avec fermeté en faisant remarquer que les Espagnols avaient déjà échoué deux fois devant Alger (ceux de Diego de Vera et de Hugo de Moncada). Dans la même soirée, la pluie se mit à tomber en même temps qu’une tempête de nord-ouest s’élevait et mettait à mal la flotte qui était en rade. L’armée espagnole, sans tentes ni vivres, empêtrée dans la boue, prise au dépourvu, subit le feu nourri des Algériens. Voilà en quels termes le chroniqueur algérien décrit le moment : «Le mardi, Dieu Très Haut envoya, vers la fin de la nuit, une violente tempête qui rompit les câbles des navires. Ils dressèrent les mâts de peur de périr, mais le vent ne cessa d’augmenter. L’amiral qui se nommait Doria eut l’esprit troublé comme tous ceux qui étaient à bord des navires. L’ouragan violent, envoyé par Dieu, poussa la flotte contre le rivage : les vaisseaux périrent sur des rochers, les esclaves musulmans s’en évadèrent et les gens d’Alger coururent exterminer les marins chrétiens jusqu’au dernier. Le tyran vit ses navires submergés et détruits, sa puissance brisée, son éclat éteint et l’abaissement qui le menaçait…»

«Nous reviendrons !»

La légende retiendra de cette déroute que le porte-étendard de l’Ordre, le Français Ponce de Balaguer, chevalier de Savignac, planta sa dague dans la porte Bab Azzoun qui se refermait devant lui, en s’écriant : «Nous reviendrons !» Quelques heures plus tard, il mourait sur la plage. Les historiens ne retiennent pas cette version fabriquée après coup. Le chevalier de Villegagnon, Chevalier de Saint-Jean qui fit partie de l’expédition et de l’attaque de Bab Azzoun et qui fut blessé trois fois, ne rapporte cet épisode ni dans son rapport au vice-roi du Piémont ni dans sa narration de l’expédition, écrite à Rome pendant sa convalescence et parue en 1542. Il relate les faits en ces termes : «Les ennemis commencèrent à tourner les épaules en fuyant vers la ville comme des gens rompus, dont nos gens étant mal avertis commencèrent à écrier victoire et avec grande allégresse courir après, tellement qu’en peu d’heures, nous nous trouvâmes auprès de la muraille de la ville et en fin, de peur que nous n’entrassions pêle-mêle avec eux, se retirèrent partie dans le fossé le long de la muraille, partie fermèrent la porte, au moyen de quoi comme l’on dit en commun proverbe, au pied du mur sans échelle.
Ce voyant, les ennemis déchargèrent toute l’artillerie tant grosse que menue contre nous, et outre l’artillerie n’épargnèrent flèches et arbalètes, dont nos victorieux Italiens se sentirent maltraités et se retirèrent aussi diligemment qu’ils y étaient venus, sans qu’il fût jamais en la puissance d’homme du monde leur faire tourner le visage, et demeura la bannière de la Religion avec partie des chevaliers seule à soutenir cette fureur. Ce qu’elle fit si heureusement, grâce à Dieu, qu’avec petite perte de gens nous nous retirâmes en un détroit… attendant quelque secours…» De cet épisode, l’angle des rues Bab Azzoun et Littré porta une inscription en marbre dont voici le texte : «A quelques pas d’ici – le 25 octobre 1541, le Français Pons de Balaguer dit Savignac, porte-étendard des Chevaliers de Malte qui firent partie de l’expédition dirigée par Charles Quint contre Alger, vint, sous une grêle de traits, planter sa dague dans la porte d’Azzoun en disant “Nous reviendrons !” – prophétie qui se réalisa le 5 juillet 1830 avec l’armée du général de Bourmont.»

Tous dans l’oued   El Harrach

Cortez, le conquérant du Mexique, fit partie des fuyards et dut laisser au fond de l’eau une partie des objets de valeur qu’il avait rapportés du Mexique. Le 26 octobre 1541, Charles Quint put voir, en trois jours, l’ampleur du désastre occasionné par le courage des habitants de la ville et par les éléments déchaînés. Les bateaux mouillés dans la baie s’entrechoquèrent par la force des vagues. Leurs câbles rompirent et la plus grande partie de l’armada vint se briser sur le rivage. L’empereur aux neuf couronnes abandonna le camp avec son artillerie et ses troupes, attaquées et taillées en pièces par les Algériens, se replièrent sous des trombes d’eau, en grand désordre vers l’est, près de l’oued Kniss. Les Italiens furent mis en pièces n’étant pas habitués au type de combat pratiqué par les Algériens. Les troupes européennes furent poursuivies jusqu’à l’oued El Harrach où un grand nombre de soldats sombra dans ses eaux tumultueuses. Charles Quint faillit se noyer dans l’oued El Harrach s’il n’avait été guidé par un Maure, selon Guillaume Pellicier.
Le roi d’Espagne put finalement embarquer avec difficulté. «Jamais armée ne fut en plus pitoyable état que celle de l’empereur fut alors, parce que les vivres qu’on avait débarqués ayant été consommés en trois jours, on ne savait plus comment soutenir les soldats abattus de froid et de faim», relate une chronique de l’époque. «Ils mangèrent 400 chevaux et passèrent la nuit sous des torrents de pluie, tandis que les Arabes et les Kabyles lançaient sur eux des balles et des pierres et les attaquaient à l’improviste.» Le chroniqueur ajoute que tous les chevaux de l’expédition, soit plus de 4000, furent tués, abandonnés sur place ou mangés. Sur les conseils de l’amiral Doria, Charles Quint donna l’ordre à l’armée de battre en retraite en direction de l’est, vers cap Matifou, à travers la boue et les rivières en crue.
L’empereur lui-même commandait l’arrière-garde avec les Chevaliers de l’Ordre de Malte. Ils mirent trois jours pour embarquer. La flotte espagnole se replia sur Béjaïa où elle séjourna une vingtaine de jours. Le souvenir de cette défaite empêcha les nations européennes de s’aventurer à prendre Alger qui gagna une réputation d’invincibilité et de «bien gardée» (El Mahroussa). Hassan Agha, sur recommandation de Kheir El Dine Barberousse, reçut du sultan ottoman le caftan de pacha et ses félicitations pour la victoire. Il se démit de ses fonctions un an avant sa mort qui aurait eu lieu en 1545. Il fut ignoré de l’histoire. Lui a-t-on reproché ses hésitations dans les pourparlers avec Charles Quint ?
L’expédition de Charles Quint occupe une place particulière dans les différentes agressions qui furent dirigées contre Alger, car elle détermina de façon durable le rôle de la ville en tant que bastion de la résistance. Est-elle enseignée dans les écoles comme étant un acte fondateur de notre patrimoine immatériel ?

Abderrahmane Khelifa. Historien et archéologue

T O U R I S     E
M
Publications
L
e livre, véritable ouvrage d'art,
accentue l'aspect historique du
thème. Style gothique sur papier
façon parchemin, lettrine ornementale,
accompagnent de splendides photos et des
cartes anciennes. L'auteur revient avec
force détails géographique, faunistiques et
historiques sur la sublime région des Traras
qui abrite cette petite ville au passé prestigieux. Avant son appellation de Honaine,
elle se nomma Artisiga et Gypasaria.
L'auteur nous y apprend que Honaïne est
présente dans divers écrits anciens tels que
ceux des historiens El Bekri et El Idrissi.
L'Emir Abdelkader y a livré "la fameuse
bataille" de Sidi Brahim. Situé au centre de
la partie littorale du Massif des Traras, c'est
un carrefour entre le Maghreb central et le
Maghreb extrême avant de devenir aussi un
point de passage privilégié sur l'axe nordsud, soit entre la péninsule ibérique et la
profondeur continentale de l'Afrique. Ce
site médiéval abrite des monuments historiques tels que la casbah, plus connue sous
le nom de "Dar Essoltane", mais aussi les
remparts, Bordj El Bahri, et une tour de
guet. Autant de vestiges, aujourd'hui à
l'abandon, qui rappellent que cette cité a
sombré dans l'oubli après avoir connu la
prospérité et la notoriété. Elle a été occupée
par les Espagnols, en 1531, et détruite en
1535.
Dans son avant-propos, Abderahmane
Khelifa relate les circonstances qui l'ont
amené il y a près de quarante ans sur le site.
" Lorsqu'en 1970, j'avais été chargé par le
service des antiquités algériennes de faire
une mission à Honaïne, je ne me doutais
pas que j'allais consacrer une bonne partie
de mon temps à l'étude de ce site dont il
restait quelques vestiges en place ".
L'historien  reconstitue en quatre étapes
l'histoire de Honaïne. La première s'étend
de l'Antiquité jusqu'à l'avènement de
l'Islam au Maghreb. La deuxième revient
sur le règne des Almohades dont le fondateur, Abd El Moumen Ibn Ali est natif de
Honaïne. La ville connaît un développement urbain  et assoit sa domination politique. Puis vint l'âge d'or de Honaïne, troisième étape. A partir de 1248, la dynastie
zianide s'émancipe des almohades en
déclin, le port se développe considérablement et devient une plaque tournante du
triangle Maghreb-Afrique-Méditerranée.
C'est son apogée. La dernière étape revient
sur la  prise de Grenade en 1492. La découverte du Nouveau Monde ouvre de nouveaux flux maritimes et commerciaux tandis que le monde musulman noue avec la
décadence. En même temps, le trafic de l'or
périclite et Alger, sous la houlette ottomane, capte l'essentiel des échanges.
Honaïne connaîtra alors l'amorce de son
déclin.
Le livre pose avec acuité le problème de la
conservation d'un patrimoine méconnu du
grand publique et permet de sortir de l'ombre une région à la beauté aussi fabuleuse
que sauvage. Situé à une quarantaine de
kilomètres  de  Beni  Saf,    la  petite  ville  de
Honeine fut du 13ème au 16ème siècle le
port de Tlemcen.  Les remparts et les ruines
apparentes, bien qu'elles soient totalement
délaissées, témoigne de ce  passé
glorieux.
Dans le petit port, les barques des
pêcheurs, rouges, vertes, bleues se découpent sur les montagnes des Traras. Un
monde à part, fait de merveilles de la
nature et où le temps semble s'être arrêté.
Car Honeine est un village hors du temps.
Ni son caractère historique, ni ses plages
sont loin, pour le moment d'être mis en
valeur. La ville qui se réveille en été, est
encore baignée de léthargie durant tout le
reste de l'année. Ancien élève de l'ENS,
docteur en histoire et archéologie,
Adberrahmane Khelifa a fait de nombreuses fouilles dans les sites médiévaux de la
région de Tlemcen.
Honaïne, ancien port du royaume de
Tlemcen
De Abderahmane Khelifa
Dalimen Editions 2008- 399 pages
R.C
UN passé prestigieux
Honaïne, ancien port
du royaume de Tlemcen
Honaïne, ses habitants vous diront de prononcer “H'naïne”, escale phénicienne et cité numide, abritait le plus
important port de la région qui était aussi celui de Tlemcen au XIII
e
siècle est mise à l'honneur dans cet ouvrage
magnifique signé Abderahmane Khelifa, archéologue et historien, publié aux éditions Dalimen. L'ouvrage rappelle
que ce petit port de pêche à l'ouest du pays fut la voie méditerranéenne pour le commerce avec Tafilalet et l'ancien
Soudan. Aujourd'hui, des remparts, des tours, un petit musée témoignent de la ville kharedjite.
Nov  /  Dec 2008
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L’archéologue Abderrahmane Khelifa affirme qu’on ne peut surveiller un site
«à partir d’un ministère ou d’un bureau». Seul le travail sur le terrain est à même d’enrayer un trafic qui prend de plus en plus d’ampleur.
- On assiste ces derniers temps au démantèlement de réseaux de trafiquants du patrimoine archéologique. Quelle est l’ampleur de ce phénomène ? Peut-on quantifier les pertes ?
Ce n’est que la partie visible de l’iceberg. On ne peut évaluer l’ampleur de ce phénomène dans la mesure où l’Algérie est un pays vaste, avec des sites archéologiques nombreux qui sont des mines à ciel ouvert. La majorité de ces sites ne sont pas gardés et, donc, il est facile de faire des fouilles clandestines et d’alimenter un réseau d’amateurs d’objets antiques grâce à des vendeurs peu scrupuleux.
Nous avons de grands sites archéologiques tout au long de la frontière algéro-tunisienne. Je peux citer Thagaste (Souk Ahras), Thagura (Taoura), Gastel, Ad Mercurum, Theveste, Madaure, (M’daourouch) Tubursisu Numidarum (Khamissa) et bien d’autres, qui sont proches de  la frontière. La plupart de ces sites ne sont pas gardés et cela facilite les vols et les exportations illicites. Mais je peux citer aussi, à l’intérieur du pays, des zones archéologiques qui ne sont pas gardées comme Tobna, près de Barika. Il y a quatre ans, j’ai visité ce site prestigieux et j’ai remarqué une grande pierre de taille sculptée de fleurons. Il y a trois semaines, j’y suis repassé ; elle avait disparu. Elle orne peut-être une belle demeure, en Algérie ou ailleurs…
- Les réseaux démantelés se trouvent souvent à proximité de la frontière avec la Tunisie. Sommes-nous face à des filières internationales spécialisées dans le trafic ?
Oui, la plupart des pièces archéologiques volées prennent le chemin de la Tunisie. D’ailleurs, un journal français avait fait état d’un gros trafic de pièces archéologiques tenu par une bande organisée qui avait écoulé un grand nombre de pièces à la valeur patrimoniale certaine. La plupart du temps, les pilleurs prennent des commandes. Ensuite, ils saccagent des sites à la recherche d’objets pouvant être transportés : statues, pièces de monnaie, vases, lampes à huile, etc.
- Quelles sont les pièces archéologiques les plus ciblées des trafiquants et pourquoi ?
Tout ce qui est antique peut rapporter beaucoup d’argent. En 1995, on avait volé 9 têtes appartenant à la famille des Sévère du musée de Guelma. A ce jour, elles n’ont pas été récupérées. On n’hésite pas à faire des fouilles clandestines dans des sites dépourvus de toute surveillance et tout le matériel trouvé est exporté en cachette pour alimenter des réseaux de collectionneurs étrangers. Cela peut aller des pièces de monnaie qui sont très prisées et faciles à transporter jusqu’aux statues pesant plusieurs dizaines de kilos en passant par les lampes à huile et les statuettes en bronze. De plus, en faisant une fouille sauvage, le pillard ne sait pas ce qu’il va découvrir. Mais tout ce qui est mobilier est bon à prendre, à l’exception des mosaïques qu’il est obligé de laisser sur place. Le préjudice historique et artistique est immense quand on exporte des pièces de monnaie car elles nous renseignent sur les souverains qui les ont frappées, sur la circulation monétaire et, partant, sur le commerce de l’époque.
- Le constat nous renvoie aux mécanismes de protection de ce patrimoine national. Quelles seraient, selon vous, les mesures adéquates à prendre pour parer à ce fléau ?
Si les musées bénéficient de moyens de surveillance plus ou moins efficaces, il n’en est pas de même pour les sites archéologiques situés en dehors des grands centres urbains, le plus souvent en rase campagne, sans parler de sites situés en pleine montagne. Seuls des responsables archéologiques peuvent quadriller le pays efficacement et savoir si des sites sont pillés. Or, il y a des sites de plusieurs dizaines d’hectares laissés à l’abandon où le visiteur malveillant peut emporter avec lui des pièces sans être inquiété. On ne peut surveiller un site à partir d’un ministère ou d’un bureau. Le travail de terrain est essentiel et vital pour enrayer un trafic qui prend de plus en plus d’importance.
Bien sûr, la sensibilisation auprès des services de sécurité (douaniers, police des frontières) est une donnée qu’il ne faut pas négliger, en plus de celle des populations qui vivent près des sites archéologiques. Les différentes lois adoptées par l’Unesco depuis 1970, concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites de biens culturels avec la nouvelle convention Unidroit (1995), ainsi que la collaboration d’Interpol, n’ont pas réussi à atténuer ce trafic de biens culturels qui ampute notre pays de sa culture matérielle.
El Watan – Dossier

la martingale de Abderrahmane Hadj Nacer


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Ce n'est pas vrai partout mais au XVI° siècle, déjà, un captif espagnol, Diego deHaëdo, observait que les Algériens « ont songé à tout sauf à écrire leur histoire ». De la mêmemanière, Ibn Khaldoun lors d'une de ses traversées du pays raconte que, croisant des bédouinssur les Hauts Plateaux du Maghreb Central par temps froid, constata que ces hommes sechauffaient en brûlant du bois sculpté qui provenait des ruines d'un palais proche.Ces faits anciens m'ont permis plus tard de comprendre pourquoi, la bande dessinéeque j'avais achetée à mon jeune fils, afin qu'il ait un accès ludique à l'histoire de son pays,m'avait effrayé. L'histoire de l'Algérie ne reposait sur aucun récit historique et ne correspondaitqu'à une succession d'épisodes violents dont les protagonistes, qui plus est, étaient des étrangers: ils faisaient eux donc, l'histoire de notre pays.Ce sont ces blancs de la mémoire et de l'Histoire, cette « inconscience de Soi », quipermettent de comprendre aussi pourquoi les Tunisiens n'ont aucune difficulté à s'approprier etrevendiquer Saint Augustin, Les Khâridjites et les Fatimides... Nous n'accordons pas davantaged'intérêt à Apulée de Madaure ou à l'école de Mathématiques de Béjaïa. Les programmesscolaires de nos enfants sont à l'image de cette B.D. Par comparaison, on peut rappeler que lesFrançais ont, de l'avis des historiens, transformé une escarmouche sans intérêt à Poitiers en unmythe de leur identité nationale, organisateur qui plus est, de leurs rapports avec le MondeMusulman. Pour ce qui est de nous, où sont nos récits fondateurs ? Où sont nos mythes ? Quise souvient aujourd'hui d'Ahmed Bey, véritable héros national face à l'invasion française et quifut trahi par des tribus impressionnées par la puissance de feu des armées coloniales ?Pourquoi n'existe-t-il pas d'ouvrages sur l'histoire de l'art algérien ? On le voit, la Consciencede Soi nous fait cruellement défaut. Pourtant, et pour en revenir à mon expérienceindividuelle, mon parcours empruntant le détour signifié par le regard des autres d'Alger auM'Zab, m'a permis de me constituer dans ma complexité d'Algérien à la fois d'Alger et duM'Zab.Mieux encore, l'histoire assumée, le continuum historique du M'Zab, m'ont permisde mesurer ce que le nord de l'Algérie a subi comme violences. Aujourd'hui ces souffrances seperpétuent et prennent peut-être de l'ampleur. L'une des digues maitresses, j'y crois fortement,est d'explorer notre histoire, non pas par passéisme mais pour enfin savoir d'où nous venons etqui nous sommes. Quelques chercheurs et intellectuels s'y attèlent, tentant de réveiller ou demeubler notre mémoire. Je citerai les travaux de Abderrahmane Khelifa, les romans del'historien Djamel Souidi qui rendent notre histoire accessible à tous et à toutes, et aussi cettequête parfois menée au plus lointain d'un récit d'origine, comme le fait la préhistorienne MalikaHachid. Ils sont des exemples, encore trop rares, du rôle essentiel que peuvent et doivent jouerles élites dans la reconquête d'une estime de Soi

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L’historiographie française de l’Algérie et les Algériens en système colonial (II)Quelques auteurs, quelques titres

Lahouari Addi, Dalila Aït el Djoudi, Lydia Aït Saadi, Linda Amiri, Djemila Amrane Minne, Richard Ayoun, Jamel Eddine Bencheikh, Abd El-Hadi Ben Mansour, Fatima Besnaci Lancou, Omar Bessaoud, Emmanuel Blanchard, Hubert Bonin, Charles Bonn, Nassima Bougherara, Djamel Boulebier, Raphaëlle Branche, Omar Carlier, El-Hedi Chalabi, Saïd Chikhi, Claude Collot, Fanny Colonna, Michel Cornaton, Alain Dewerpe, Abdelkader Djeghloul, Daho Djerbal, Jean-Luc Einaudi, Ali El Kenz, Valérie Esclangon-Morin, Bruno Étienne, Maurice Faivre, Benoît Falaize, Kamel Filali, Jacques Frémeaux, René Gallissot, Alain Gillette, Fatima Zohra Guechi, Didier Guignard, Mohammed Hachemaoui, Abdelhamid Hadjiat, Ab-delhafid Hammouche, Mohammed Harbi, François-Xavier Hautreux, Ahmed Henni, Jean-Robert Henry, Jean-Charles Jauf-fret, Jean-Jacques Jordi, Mahfoud Kaddache, Aïssa Kadri, Yvette Katan, Kamel Kateb, Tahar Khalfoune, Abderrahmane Khelifa, Ahmed Koulakssis, Mostefa Lacheraf, Françoise Lantheaume, Jean Leca, Michel Levallois, Daniel Lefeuvre, Loïc Le Pape, Christine Lévisse-Touzé, Claude Liauzu, Seloua Luste Boulbina, Claire Mauss-Copeaux, Benamar Mediene, Boucif Mekhaled, Ali Merad, Gilbert Meynier, Lemnouar Merouche, Amar Mohand-Amer, Abderrahmane Moussaoui, Rachid Ouaïssa, Guy Pervillé, Jean-Pierre Peyroulou, Laure Pitti, Jean-Louis Planche, Fernand Pouillon, Hassan Remaoun, Daniel Rivet, Tramor Quemeneur, Belkacem Recham, Hassan Remaoun, Michel Renard, Annie Rey-Goldzeiguer, Karim Rouina, Alain Ruscio, Abû al-Qâcim Sa adallâh, Abdelmalek Sayad, Diane Sambron, Abdelmalek Sayad, Yann Scioldo-Zurcher, Ryme Seferdjeli, Abderrahmane Sekfali, Sadek Sellam, Ouanassa Siari-Tengour, Karima Slimani Direche, Fouad Soufi, Benjamin Stora, Khaoula Taleb-Ibrahimi, Wassyla Tamzali, Christelle Taraud, Sylvie Thénault, Lucette Valensi, Jean-Claude Vatin, Roger Vétillard, Tassadit Yassine

Publié dans :
Histoire
Edition du :
2010-11-01

Syphax - roi numide - guerre punique