mardi 20 décembre 2011

la martingale de Abderrahmane Hadj Nacer


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Ce n'est pas vrai partout mais au XVI° siècle, déjà, un captif espagnol, Diego deHaëdo, observait que les Algériens « ont songé à tout sauf à écrire leur histoire ». De la mêmemanière, Ibn Khaldoun lors d'une de ses traversées du pays raconte que, croisant des bédouinssur les Hauts Plateaux du Maghreb Central par temps froid, constata que ces hommes sechauffaient en brûlant du bois sculpté qui provenait des ruines d'un palais proche.Ces faits anciens m'ont permis plus tard de comprendre pourquoi, la bande dessinéeque j'avais achetée à mon jeune fils, afin qu'il ait un accès ludique à l'histoire de son pays,m'avait effrayé. L'histoire de l'Algérie ne reposait sur aucun récit historique et ne correspondaitqu'à une succession d'épisodes violents dont les protagonistes, qui plus est, étaient des étrangers: ils faisaient eux donc, l'histoire de notre pays.Ce sont ces blancs de la mémoire et de l'Histoire, cette « inconscience de Soi », quipermettent de comprendre aussi pourquoi les Tunisiens n'ont aucune difficulté à s'approprier etrevendiquer Saint Augustin, Les Khâridjites et les Fatimides... Nous n'accordons pas davantaged'intérêt à Apulée de Madaure ou à l'école de Mathématiques de Béjaïa. Les programmesscolaires de nos enfants sont à l'image de cette B.D. Par comparaison, on peut rappeler que lesFrançais ont, de l'avis des historiens, transformé une escarmouche sans intérêt à Poitiers en unmythe de leur identité nationale, organisateur qui plus est, de leurs rapports avec le MondeMusulman. Pour ce qui est de nous, où sont nos récits fondateurs ? Où sont nos mythes ? Quise souvient aujourd'hui d'Ahmed Bey, véritable héros national face à l'invasion française et quifut trahi par des tribus impressionnées par la puissance de feu des armées coloniales ?Pourquoi n'existe-t-il pas d'ouvrages sur l'histoire de l'art algérien ? On le voit, la Consciencede Soi nous fait cruellement défaut. Pourtant, et pour en revenir à mon expérienceindividuelle, mon parcours empruntant le détour signifié par le regard des autres d'Alger auM'Zab, m'a permis de me constituer dans ma complexité d'Algérien à la fois d'Alger et duM'Zab.Mieux encore, l'histoire assumée, le continuum historique du M'Zab, m'ont permisde mesurer ce que le nord de l'Algérie a subi comme violences. Aujourd'hui ces souffrances seperpétuent et prennent peut-être de l'ampleur. L'une des digues maitresses, j'y crois fortement,est d'explorer notre histoire, non pas par passéisme mais pour enfin savoir d'où nous venons etqui nous sommes. Quelques chercheurs et intellectuels s'y attèlent, tentant de réveiller ou demeubler notre mémoire. Je citerai les travaux de Abderrahmane Khelifa, les romans del'historien Djamel Souidi qui rendent notre histoire accessible à tous et à toutes, et aussi cettequête parfois menée au plus lointain d'un récit d'origine, comme le fait la préhistorienne MalikaHachid. Ils sont des exemples, encore trop rares, du rôle essentiel que peuvent et doivent jouerles élites dans la reconquête d'une estime de Soi

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