vendredi 7 octobre 2011


Grand Maghreb : Economie & société - Gestion des collectivités locale, Janvier2008
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LA GESTION DU PATRIMOINE CULTUREL
DANS LA COMMUNE
ABDERRAHMAN KHELIFA
                                                                         Expert
Si nous considérons que l’Algérie avec ses 2 381500km² contient un
nombre certain de monuments historiques et de sites classés au
patrimoine mondial, nous pouvons affirmer que ceux-ci jouent un rôle
important dans les prises de décision quand les élus de la commune
décident d’entreprendre des travaux de construction ou
d’aménagement de leur territoire.  A cela il faut ajouter tout un
patrimoine immatériel représentatif  d’une région acquis tout au long
des siècles comme les us et coutumes, les savoir faire comme la
dinanderie, la gastronomie, les  danses. De plus, la place des
confréries, avec chacune ses spécificités, est importante.
La notion de développement  implique maintenant, non pas seulement
la force de travail de l’homme, mais aussi son identité culturelle. D’où
la nécessité d’impliquer la population et la société civile dans les
projets de développement culturel.
Il faut placer l’acte culturel au sein de toute politique de
développement du territoire de la commune. Dans l’acte culturel, la
place du patrimoine est évidemment. Si nous prenons la seule wilaya
de Constantine, nous pouvons nous rendre compte de la diversité de
son patrimoine mobilier et immobilier. Stéphane Gsell donne dans son
Atlas archéologique l’emplacement de 516 sites qui recèlent des
vestiges archéologiques. C’est dire  la richesse et la pérennité de
l’habitat dans cette wilaya depuis les temps les plus reculés. Comment
utiliser ce potentiel culturel et touristique formidable ?
Je prendrai trois exemples pour illustrer ce concept : Constantine, un
site habité, Tiddis comme site archéologique, non habité mais situé
dans une commune rurale et enfin la Soumaa du Khroubs en tant que
monument historique à mettre en valeur.
Le site de Constantine est le plus célèbre de toute l’Algérie par son
originalité et par le rôle qu’il joua dans la formation d’une cité dont il
assura de tout temps la protection.
El Bekri décrit la ville ainsi : «Cosantîna grande et ancienne ville ,
renfermant une nombreuse population ,et d’un accès tellement
difficile, qu’aucune forteresse du monde ne saurait lui être comparée ;
elle est située sur trois grandes rivières portant bateau, qui l’entourent La gestion du patrimoine culturel dans la commune                                    A. Khelifa
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de toutes parts. Ces rivières proviennent des sources nombreuses
nommées ‘Uyun Acheggar, c'est-à-dire «  les sources rouges » et
passent dans un ravin d’une profondeur énorme. Dans la partie
inférieure de ce ravin on a construit un pont de quatre arches, lequel
soutient un second pont, qui en supporte un troisième de trois arches.
Sur la partie supérieure de ces arcades, se trouve une chambre qui est
de niveau avec les bords du ravin et qui forme le passage par lequel on
entre dans la ville. Vue de cette chambre l’eau qui est au fond du ravin
a l’aspect d’une petite étoile, tant le précipice est profond. Cette
chambre s’appelle Al Abour «  Sirius » parce qu’elle est  pour ainsi
dire suspendue au ciel. Constantine est habitée par diverses familles
qui avaient partie des tribus berbères, établies dans Mila dans le pays
des Nefzaoua et dans celui de Castiliya. Mais elle appartient à
certaines tribus Ketamiennes. Elle renferme des bazars bien fournis et
jouit d’un commerce prospère. De cette ville au port de Skikda il y a
une journée de marche ». Les autochtones l’appellent «  bled el
Haoua », expression  qui signifie à la fois citée aérienne, « cité du
ravin », et « cité des passions ».
LA PREHISTOIRE
Dès la préhistoire, l’homme, attiré  par l’eau, a habité le site. Le plus
ancien site a été trouvé sur le plateau de Mansoura. Les fouilles
entreprises en 1955 montrent que  cette région était occupée par
l’homme depuis le début de l’ère quaternaire. Les galets taillés et les
ossements d’hippopotames sont contemporains de ceux trouvés à Ain
Hnech au nord de la ville d’El Eulma.  C’est le cas de la Grotte des
Ours, appelée ainsi en raison de la présence de nombreux ossements
d’ours,  et de la Grotte des mouflons creusés dans la falaise de Sidi M’
cid. De l’autre côté du ravin, entaillée dans la falaise se trouve la
Grotte des Pigeons. On a trouvé dans ces abris du matériel lithique
(broyeurs, meules, haches polies, silex, spatules, tranchets, aiguilles en
os….) remontant au néolithique et au paléolithique moyen. A côté de
ces outils, on a trouvé des ossements de rhinocéros, de zèbres,
bubales, de panthères.
La nécropole des premiers habitants de l’agglomération occupait les
hauteurs du djebel Sidi Mcid, utilisé par la suite pour l’emplacement
des Monuments aux morts de la Grande guerre. Il y avait là des
dolmens en 1849, comme on en trouvait  au dessus de la Grotte des
Ours ou sur la rive droite de l’oued Ziad. Grand Maghreb : Economie & société - Gestion des collectivités locale, Janvier2008
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LA PERIODE ANTIQUE
Cirta  est parmi les plus vieilles cités de l’Afrique du Nord. La ville
est déjà citée dès la fin du IIIe siècle avant J. C. comme étant une des
capitales du roi Syphax. Mais elle était auparavant la capitale de Gaïa,
père de Massinissa. La proximité de Carthage se fait sentir
particulièrement dans le domaine culturel et religieux au vu du
nombre impressionnant d’inscriptions et des stèles dédiées à Baal
Hamon (833 stèles), découvertes dans la ville. En 203 avant J.C.,
après la bataille de Zama et la prise de Syphax, elle se rendit à
Massinissa qui en fit sa capitale et y mourut. C’est là qu’il épousa la
belle Sophonisbe, fille de l’aristocratie carthaginoise. Ses successeurs
y résidèrent à leur tour. Les rois Massyles et Massaessyles embellirent
leur capitale par des palais et Massinissa y «  donnait des banquets où
les tables étaient recouvertes de vaisselle d’argent et de corbeilles en
or, des concerts où se faisaient entendre de musiciens venus des pays
helléniques ». C’est de Grèce aussi que Micipsa, successeur de
Massinissa  fit venir des artisans et des artistes pour embellir sa ville
qui était dotée de remparts selon Tit live et Salluste. Malheureusement
il ne reste de cette époque que  l’imposant Mausolée du Khroubs,
abritant la sépulture de Massinissa. La ville fut un  enjeu important
dans la guerre qui opposa Jugurtha aux armées romaines.
 La ville avait une fonction commerçante très importante et très tôt,
bien avant l’occupation romaine, des négociants italiens
(négociatores) étaient installés dans la ville en nombre suffisant pour
aider Adherbal à défendre la ville contre Jugurtha .Leur massacre fut
la véritable cause de la guerre contre Jugurtha.
Après la défaite de Juba 1er  et l’occupation de l’Afrique par César,
Cirta devint la capitale d’une région donnée comme fief en
récompense de services rendus pendant la campagne, à un de ses
auxiliaires, un aventurier , Sittius, homme d’affaires campanien. C’est
probablement en 44 avant J.C. date de la mort de Sittius que fut créée
la colonie romaine de Cirta (Colonia Julia Juvenalis Honoris et
Virtutis Cirta) . La ville fut plus  tard, le siège de la confédération
cirtéenne qui comprenait  en plus de l’ancienne capitale numide, les
villes de Chullu (Collo), Milev  ( Mila), et Rusicade ( Skikda) qui
accédèrent au rang de colonies  vraisemblablement à la même époque.
La confédération disparaîtra au milieu du IIIe  de l’ère chrétienne et
Cirta  redeviendra capitale de la  province de Numidie cirtéenne en
297, sous Dioclétien. Au début du IVe siècle,  elle connaît un nouvel
essor sous Constantin (306-323)  qui lui donnera son nom  qu’elle
gardera jusqu'à nos jours.  La gestion du patrimoine culturel dans la commune                                    A. Khelifa
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La ville était entourée de trois grands faubourgs : l’un au Koudiat Aty,
l’autre sur le plateau d’El Kantara et le troisième sur l’emplacement de
Sidi Mabrouk.
Un siècle environ après son statut de colonie en 80, sous le règne de
Vespasien un de ses enfants, C. Aurélius Pactumeius Fronto fut promu
consul. Sa fille fit graver sur une  base de statue qu’il avait été le
premier africain à être consul. Un autre enfant de Cirta, le rhéteur
M.Cornélius Fronto devint illustre à Rome et dans l’Empire.
Considéré comme le premier orateur de son temps, il était né à Cirta
vers 100 et se vantait d’être un libyen parmi les libyens. Il fut choisi
par l’empereur pour être le maître de Marc Aurèle et de Lucius Verus.
Lorsque les Vandales occupèrent l’Afrique, ils assiégèrent  la ville qui
leur résista. Ils l’occupèrent dix ans plus tard en 455 de J.C.
Sous l’occupation byzantine, la ville fut la résidence de Guntharis duc
de Numidie et le siège d’un évêché. L’église byzantine fut édifiée sur
l’ancien temple du Capitole avec les
matériaux d’époque romaine
Lors de la conquête française en 1837, la ville possédait un certain
nombre de monuments encore visibles  comme les restes du  Capitole
qui était situé à l’intérieur de la  Casbah, dont l’architecte Ravoisier
avait vu le soubassement qui « renfermait une statue de Jupiter
vainqueur , en argent, la tête ceinte d’une couronne formée de trente
feuilles de chêne et de quinze glands en argent, portant dans sa main
droite une sphère surmontée d’une statuette de la victoire tenant une
palme  de 20 feuilles et une couronne de 40 feuilles ». Cet
emplacement avait servi d’acropole et de citadelle aux rois Numides ,
aux romains, aux byzantins, aux musulmans puis de quartiers militaire
aux français. Les pierres de taille  du Capitole furent employées à la
construction de la caserne et de l’hôpital.
On pouvait encore voir l’arc de triomphe de la ville avec ses pilastres
corinthiens, le Tetrapylon, édifices quadrangulaires qui formaient la
jonction de l’ex rue Combes ( Tlili Saïd) et l’ex rue Vieux (Kadid
Salah). On voyait aussi, entre le pied du Mansoura et le bord du ravin,
les restes du cirque. Grand Maghreb : Economie & société - Gestion des collectivités locale, Janvier2008
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LA PERIODE MUSULMANE
La ville dut être occupée dès le début du VIIIe siècle et les
conquérants musulmans durent y établir une garnison. La ville dut
prendre de l’importance avec les Fatimides car située en plein pays
Kotama, champions de la nouvelle doctrine. Al Muqqadasi qui écrit à
cette époque, au Xe siècle, la  mentionne pour la première fois  sous le
nom de  El Qostantina et la situe à deux journées de Kairouan. Ibn
Hawqal qui visite le Maghreb à la même époque signale que «  deux
fois par an les gens de Constantine se réunissent en caravanes pour
commercer vers le Zab ».
 La ville avait gardé un grand nombre de monuments antiques et
particulièrement les remparts  qui étaient percés de deux portes : Bab
Mila à l’ouest et Bab el Qantara à l’est  qui donnait accès à un pont
antique qui était à la fois viaduc et aqueduc qui enjambait le ravin.
Elle se rangea sous la bannière d’Abu Yazid, « l’homme à l’âne » lors
de la révolte de celui ci  de 934 à 947.
Sous les Zirides, vers la fin  du Xe siècle (988-989),Constantine
dépend comme Tidjis , Sétif, Mila,  Qasr al Ifriqi, d’un super – Préfet,
Abû Za’bal Ibn Hisham, un familier de Bologguin. Elle fut
probablement le lieu de résidence de ce gouverneur. Plus tard elle
échoit à  Hammad, oncle du sultan, qui refuse de la rendre à son
neveu, Badis, souverain de l’Ifriqiya. La ville fait partie par la suite de
l’état hammadite et Al Nasir en confie la gestion à son frère Balbar en
1064. A l’avènement d’Al Mansûr, successeur d’Al Nasir, Balbar se
révolta et l’émir envoya contre lui Abû Yakni qu’il nomma
gouverneur de Constantine et de Bûna en 1089.  
 Les Hammadites construisirent la grande mosquée vers 1063 même si
elle a subi plusieurs modifications. Très tôt un important trafic
caravanier était établi avec le Zab.
Al Idrissi, géographe du roi Roger  II de Sicile, décrit ainsi la
ville : « …ville peuplée qui a des souks et des marchands, des
habitants aisés, vivant largement des transactions qu’ils font avec les
Arabes et des contrats d’association qu’ils souscrivent, avec eux, pour
les labours et pour le stockage des récoltes. Chaque maison possède
un ou deux silos creusés dans le roc très propice à la conservation des
céréales. Le froment séjourne dans les silos cent ans sans se gâter. Ils
ont du miel en abondance, ainsi que du beurre salé qui est exporté
dans tous les pays…. ».Il met l’accent sur la richesse de son terroir en
céréales et sa fonction de nœud routier par  rapport aux villes
environnantes. C’est un passage obligé vers le Maghreb central et Ibn La gestion du patrimoine culturel dans la commune                                    A. Khelifa
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Tumart s’arrête naturellement à  Constantine avant  de se rendre à
Bejaia où il rencontra Abd el Mumin le futur dynaste.
 Lors de l’expédition   dirigée par Abd Al Mumin le Khalife almohade
contre le royaume Hammadite, Bejaia tombe après une brève bataille.
Constantine, après un court siège en 1152, ayant reçu du Khalife  par
écrit la promesse d’être épargnée  se rendit sans coup férir. Son
gouverneur, Abû Zakkariya ainsi que Yahya le souverain hammadite
furent envoyés à la cour de Marrakech où ils reçurent les égards dus à
leurs rangs. Constantine est dotée, à l’époque almohade, d’une
citadelle (Qasaba), véritable petite ville à l’intérieur de la grande, avec
ses remparts qui l’isolaient et qui lui permettaient de résister encore
quand la ville était prise. Elle avait ses rues et sa mosquée cathédrale (
Masjid Djama’) où le gouverneur faisait la prière, délaissant la grande
mosquée au centre de la ville
Les Hafsides successeurs des Almohades, en firent le siège d’un
gouvernorat. A l’instar des Zirides, des Hammadites, et des
Almohades, ils embellirent la ville et la fortifièrent notamment entre
1282 et 1285 à  l’époque des émirs Abû Faris et Abû Zakariya, fils du
sultan Abû Ishaq. La ville, par les ports de Skikda et Bûna participe au
commerce méditerranéen et en tire des dividendes. Des traités de
commerce sont signés entre les rois de Constantine avec les
Marseillais ( 1230 et 1250), les Catalans (1273), les Vénitiens (1320),
les Pisans (136 –1378) selon Mas Latrie. Les fondouks abritaient pour
la plupart les commerçants européens. Il y en avait sept lors de la
pénétration française. Les édifices religieux furent nombreux à cette
époque. Malheureusement, l’histoire tumultueuse de la ville a fait que
seuls quelques témoins de cette vie intellectuelle nous sont parvenus.
Une seule mosquée de quartier est connue de cette période : c’est celle
du vénérable cheikh Abû Abdallah al Saffar qui  fut enterré en 1349 à
l’intérieur de Bab Al Qantara. Une autre mosquée datant de la fin du
XIIe siècle est celle de Sidi  Abû -al Hassan’ Ali Ibn Makhluf,
contemporain du siège de la ville  à la fin du XIIe siècle par Ibn
Ghaniya, descendant des Almoravides. La Mosquée de Sidi Naqqash a
permis de connaître des pierres tombales d’hommes de religions des
XIII et XIVe siècles. Par ailleurs un moçalla est signalé en 1340. En
fait très tôt apparut dans la cité millénaire une riche bourgeoisie
conservatrice au moins depuis le  XIIIe siècle dont il reste encore
quelques familles comme les Ben Badis ou les Ben El Fagoun .
La partie sud ouest de la ville,  la plus vulnérable était dotée d’une
porte, Bab El Oued (baptisée plus tard Place de la Brèche) par ou se Grand Maghreb : Economie & société - Gestion des collectivités locale, Janvier2008
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faisait l’essentiel du trafic avec l’extérieur. Sur cette même face sud
occidentale, devait se trouver la Porte d’El Hamma, ( Bab El
Hamma).On appelait al Hunaynisha les souterrains étroits et sinueux
qui s’étendaient plus au sud sous les remparts. A l’opposé, sur la
partie orientale de la ville, Bab El Qantara ouvrait  sur le ravin. En
1304, ce pont sera détruit par Ibn Al Amir, assiégé par Abû al Baqa’.
Au XVe siècle sous le gouverneur  Nabil, un chrétien de Provence
convertit à l’Islam, Constantine connut une certaine prospérité Il fit
battre monnaie en son nom de meilleur aloi que celle de son souverain
de Tunis selon Léon l’Africain. Ce dernier fait une description assez
complète de la ville à la fin du XVe début du XVIe
siècle :« Constantine, d’après ses dimensions, peut faire 8.000 feux.
Elle a de grandes ressources et elle est policée. Elle est pleine de
belles maisons, de nobles édifices,  tels que le grand temple, deux
collèges et trois ou quatre monastères (zaouias).Les marchés sont
nombreux et bien ordonnés, tous les corps de métiers étant séparés
entre eux. Les hommes sont vaillants et belliqueux, surtout parmi les
artisans. Il y a un grand nombre de marchands qui font le commerce
des tissus de laine fabriqués dans le pays. Certains marchands aussi
expédient de l’huile et de la soie en Numidie ainsi que des toiles. Tout
cela est vendu par troc contre des dattes et des esclaves ….. ». Les
princes Hafsides avaient leur jardins de plaisance hors de la ville (
riyad).Celui du Sultan Abû Bakr au XIVe siècle avait pour nom Al
Dukkan d’après Ibn Qunfud. Il est fait également mention d’un
hippodrome officiel appelé Al Maydan.
Au début du XVIe siècle l’autorité Hafside est tout à fait formelle. Le
pays se morcelle en un certain nombre de principautés Le Cheikh de
Constantine gouverne de façon autonome la région de Bûna et d‘El
Koll ( Collo).L’arrivée des Frères Barberousse à Djidjel puis à Alger,
change la carte politique d’une partie de l’Afrique du Nord. Bientôt
Kheireddine s’empare de Collo en 1521 puis de Bûna et de
Constantine  en 1522.
Dès 1565, Hassan Pacha, fils de Kheireddine découpa le pays en trois
provinces commandées et gérées par trois Beys. Constantine, de par
son importance stratégique et économique, fut le siège du Beylick de
l’Est. Depuis Ramdane Tchulak , désigné premier Bey de la province
(1567- 1574), 46 beys  se succédèrent jusqu’à l’occupation de la ville
par les troupes coloniales. Les différents beys composèrent avec les
puissantes tribus de la région (  Henencha et Mokrani). Certains
d’entre eux firent des aménagements et enrichirent la ville par la
construction de nouveaux édifices. C’est ainsi  que Kelian Bey( dit La gestion du patrimoine culturel dans la commune                                    A. Khelifa
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Boukémia) construisit  la mosquée du Souk El Ghezel ( mosquée de
Hassan) vers 1730  .
Hassan Bey (dit Bou Hassan) fit construire la mosquée de Sidi
Lakhdar (1743) et celle de  Sidi Abderrahmane el Qaroui)
Salah Bey (1771-1792) fit édifier la  mosquée de Sidi El Kettani et
restaurer le pont d’Al Kantara en 1792. Ce pont sera remplacé en 1857
par l’actuel Pont d’El Kantara, en  arcs de fonte, à cent vingt cinq
mètres au dessus du Rummel. Selon Mercier la ville comptait 79
édifices religieux dont 10 mosquées cathédrales (  Masjid djama’).
Ahmed Bey (dit el Hadj Ahmed Bey) construisit un palais au sud de la
ville, inauguré en 1835. Ce palais en cours de restauration
actuellement, possède des peintures murales relatant le pèlerinage à la
Mecque effectué par le Bey.
La médina de Constantine comptait près de 1700 maisons. Elle
s’organisait autour de cinq grands ensembles aux limites fluctuantes :
la qasbah au Nord Ouest,   El Kantara au sud est, Bab el Djabia au sud
ouest, et Tabia au Nord Ouest. Entre ces quatre espaces qui occupaient
les quatre angles de la ville, il y avait une large superficie qui a une
foule d’appellations particulières, car réservée aux différents
commerces, aux métiers et aux  siège des fonctionnaires de
l’administration. L’ensemble de la vieille cité était traversé de ruelles
étroites qui déterminaient les différents quartiers de la ville. Mais
quatre rues principales aux activités économiques marquées, reliaient
les différentes portes de la ville.  L’une partait de Bab El Oued vers
Rahbet el Souf. Cette artère était formée d’ une suite de commerces et
de souks ( souk el Attarine, souk Al Serradjine …) Puis la rue se
divise en deux bretelles aboutissant l’une au sommet et l’autre au bas
de Rahbet el Souf . Au delà d’autres ruelles menaient vers souk el
Acer, el Kantara, Charaa, Sidi Djelis.
La deuxième  artère commerçante partait de Bab el Djabia allait sur le
flanc du rocher, par Zelaïka et Al Chatt. La troisième partait
également de Bab El Oued remonte parallèlement à la rive ouest de la
ville jusqu’au point le plus haut de la ville pour aboutir à la citadelle
ou qasbah. Enfin la dernière prend son point de départ à 100 mètres au
dessus de Bab El Oued pour remonter vers le nord jusqu’à hauteur de
souk Al Acer. De là cette voie se prolonge le long du flanc nord nord
est du rocher pour aboutir à Bab El Kantara.
Une vingtaine de fondouks étaient répartis dans l’ensemble de la
médina. Ils servaient d’entrepôts aux marchandises, d’ateliers pour les
artisans ou d’hôtels pour les marchands venus vendre leurs produits. Grand Maghreb : Economie & société - Gestion des collectivités locale, Janvier2008
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Comme pour les souks , chacun était spécialisé comme le fondouk
Ezzit  pour l’huile.
Les places de marché ou Rahba, participaient aussi de l’activité de la
ville .Elles étaient situées essentiellement aux portes de la ville
comme Rahbat Zra’ (marché aux grains) et Rahbet El Djemal (
marché au bétail) qui étaient situées de part et d’autre de Bab El Oued
et qui étaient réservées au marché régional. A l’intérieur de la ville on
trouvait des espaces liés aux activités économiques comme Rahbet
Essouf , Souk el Acer(marché aux légumes, Souk El Djema’ ( marché
hebdomadaire de fruits et légumes), souk el Ghezal ( marché de la
laine).
LA PRISE DE CONSTANTINE
Ahmed Bey fut le dernier Bey de Constantine (1826 –1837). Né vers
1784, de père turc et de mère algérienne, de la tribu des Ben Gana
Lors de la prise d’Alger en 1830, Ahmed Bey participa à la défense de
la capitale. Malgré le départ du Dey Hussein pour Istanbul, il continua
et organisa la résistance dans sa province. Il choisit, en accord avec la
population de Constantine, le drapeau rouge orné du sabre bifide. Il fit
battre monnaie entre 1830 et 1837.
Les troupes françaises, fortes de près de 10.000 hommes, avec à leur
tête le Maréchal Clauzel, se positionnèrent sur le plateau de Mansoura,
le 21 novembre 1936. Les multiples tentatives de prendre la ville de
force furent vouées à l’échec et le général Trézel fut grièvement blessé
. Le maréchal Clauzel battit en retraite.
Une deuxième expédition fut décidée. Le Duc de Nemours et le
Général Trézel arrivèrent le 6 Octobre 1837 près du Rocher.
Le 10 Octobre, les troupes françaises réussirent à  ouvrir une brèche
dans l’enceinte et pénétrèrent à l’intérieur de la ville où elles durent
faire face à une résistance acharnée. Ahmed Bey continua la résistance
dans le sud jusqu’en 1848   date à laquelle il  se rendit à Biskra . Il
mourra à Alger le 30 Août 1850.
Le rocher présente un ensemble de données naturelles, historiques et
culturelles que toute intervention doit prendre en charge
Le tissu urbain suite à l’occupation de la ville, fut en grande partie
détruit ou remanié Les différents travaux de voiries, d’aménagements,
de démolitions mirent en évidence la richesse stratigraphique d’une
des capitales les plus anciennes de  l’Afrique du Nord dont le site a
toujours été occupé depuis la préhistoire. La gestion du patrimoine culturel dans la commune                                    A. Khelifa
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Constantine représente un territoire qui comprend la ville de Tiddis, le
Mausolée du Khroubs, les dolmens du djebel Mazela ou du djebel
Ouahch , les Dolmens et
Cromlechs à 35 km du sud de Constantine à Ras El Ain, Bou Merzoug
, Ouled Rahmoune ou même la ville de Milev( Mila). Traiter la vieille
ville c’est aussi inclure ces différentes composantes du patrimoine
historique qui l’a fait naître.
Les questions de préservation, de sauvegarde et de mise en valeur du
patrimoine ne sont pas seulement le fait des spécialistes mais
actuellement la prise de conscience  se fait au niveau de la société
civile, du politique et du gestionnaire de la ville.
L’occupation française a grandement modifié le tissu urbain en
pratiquant des plans d’alignement pour des raisons de contrôle,
entraînant un processus de dégradation pratiquement irréversible. A
l’indépendance, cette tendance a continué par une marginalisation de
la vieille ville avec un développement anarchique, entrepris par à coup
faisant perdre l’unité de la morphologie urbaine. La question de
sauvegarde se pose avec acuité pour la vieille ville de Constantine.
Elle concerne aussi le bâti colonial qui doit être préservé pour
comprendre les différentes phases historiques de la ville
Le Rocher contient une ensemble de données naturelles, historiques et
culturelles et toute étude devra prendre en charge ces données.
L’état de délabrement, de destruction est alarmant. Si la ville veut
garder ce cachet qui fait d’elle une  ville attachante, les élus doivent
impérativement s’impliquer dans la réhabilitation du tissu traditionnel
car le nombre de vides résultant  de la démolition de nombreuses
bâtisses est alarmant. Ils doivent mettre en place avec les associations
de protection du patrimoine un organisme de mise en valeur et de
restauration du vieux bâti.
Les différentes études faites par Calzat ( J.H.) , en 1959-60 , l’ETAU (
Bureau central d’études techniques d’architecture et d’urbanisme en
1969, et la CADAT ( 1974 – 1978) n’ont pu concilier le tissu ancien
avec la ville moderne. Car il faut clarifier l’apport de l’histoire dans la
morphogenèse du bâti de la ville qui va permettre d’entreprendre la
réhabilitation de la ville ancienne. Pour cela il faut utiliser tous les es
instruments de compréhension du site : à savoir les sources écrites
historiques : textes antiques, textes d’époque médiévale, textes
d’époque moderne (période ottomane) texte de l’époque coloniale, les
sources iconographiques : Dessins et tableaux, cartes postales ; Les
sources cartographiques : plans et cartes réalisés à l’époque Grand Maghreb : Economie & société - Gestion des collectivités locale, Janvier2008
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coloniale,les sources archéologiques/ Gsell, Ravoisié,
Dessus Lamare…
Dès l’indépendance l’Algérie se  dotait d’outils législatifs pour
protéger ce patrimoine bâti. L’ordonnance 67- 281 du 23 février 1967
mettait en place les instruments de protection de ce patrimoine. La loi
98- 04 du 17 juin 1998 avec une série de décrets comme ceux
concernant le plan de sauvegarde de la vieille ville se doivent d’être
mis en pratique sinon  la disparition de la vieille ville sera inéluctable.
Un autre aspect qui concerne les élus est celui de l’environnement.
Les villes de la wilaya se doivent d’être propres. Si nous prenons le
seul cas du Rummel, son nettoyage et sa mise en valeur ajouteraient à
augmenter son potentiel touristique surtout si un circuit de randonnée
à travers les gorges était mis en place.
Le site archéologique de Tiddis (Castellum Tidditanorum) est situé à
27 kilomètres au Nord Ouest de Constantine, sur la route de Djidjel.
La route arrive en impasse sur le site qui est d’une beauté surprenante.
Un site urbanisé depuis très longtemps qui a connu la période numide,
la période punique, la période romaine, la période musulmane...Les
monuments, les objets et les inscriptions qu’on y a trouvé au cours des
différentes fouilles sont d’une grande importance pour l’histoire de la
région de Constantine et nationale. L’importance de ce site peut
inciter les élus locaux à le proposer sur la liste du patrimoine mondial
et à prendre en conséquence des mesures pour sa mise en valeur dans
le cadre d’un développement touristique pourvoyeur d’emplois en
organisant par exemple un festival de musique.
Le troisième exemple est celui du Mausolée du Khroubs, qui est un
monument unique du IIe siècle avant l’ère chrétienne et qui est aussi
avec l’ensemble des vestiges archéologiques de la commune du
Khroubs, un élément dans le développement de la commune.
En conclusion nous pouvons dire  que la gestion des sites
archéologiques des différentes communes de la wilaya de Constantine,
n’est pas un appendice de la gestion quotidienne de la commune, mais
elle doit retenir l’attention des élus et gestionnaires dans la mesure ou
dans cette civilisation des loisirs, l’aspect connaissance de l’histoire,
visites touristiques, mise en valeur et réhabilitation ou restauration des
différents sites, sont générateurs d’emplois, de rentrées d’argent, etc…

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