Dans le cadre du Mois du patrimoine qui s’étale jusqu’au18 mai, l’historien Abderrahmane Khelifa a, dans une de ses interventions autour de la protection du legs patrimonial, appelé les responsables de l’éducation à «encourager les visites d’écoliers aux musées pour les mettre en contact direct avec les strates de leur histoire ayant traversé leur pays et ce, à travers les objets et pièces depuis les temps les plus reculés». Une réflexion on ne peut plus pertinente lorsqu’on sait que les chefs d’établissements scolaires lésinent sur les moyens quant à faire faire des escales aux enfants dans ces lieux de mémoire, histoire de saisir un tant soit peu l’héritage commun que représentent les biens culturels matériels et immatériels légués par nos prédécesseurs.

Peu, très peu, en effet, sont les directeurs d’écoles qui daignent inscrire dans le cursus des élèves des paliers primaire, moyen ou secondaire des virées dans ces lieux culturels pour découvrir le fonds archéologique, dont le nombre de vestiges et monuments avoisine les 2000 – sans compter les trésors soupçonnables enfouis dans notre sous-sol –, depuis la préhistoire jusqu’à l’époque ottomane et coloniale en passant par les périodes numide, punique, phénicienne et romaine… Sous d’autres cieux, le  patrimoine est mis en valeur, voire capitalisé, au moment où chez nous les musées, bien que chargés d’histoire, l’affluence se fait timide, pour ne pas dire des lieux vides de visiteurs.

«La civilisation antique, disait Joseph Ernest Renan, après sa destruction, a encore puissamment contribué à la civilisation moderne par les monuments écrits et figurés qui sont restés d’elle…». Une citation on ne peut plus vraie, sauf que nos musées sont quasiment désertés au moment où, à titre d’exemple, l’Ile de Gorée, commune d’arrondissement de la capitale sénégalaise, attire chaque jour que Dieu fait des chérubins dakarois, les invitant à découvrir un pan d’histoire de la maison des esclaves, lieu symbole de la mémoire du pays de la Teranga, le Fort d’Estrées, le musée maritime ou celui de la femme… Il y a quelque temps, j’ai eu le plaisir de visiter cette île, classée patrimoine mondial de l’humanité. A longueur de journée, les chaloupes déversent des élèves accompagnés de leurs instituteurs et encadreurs chargés d’apporter une dimension complémentaire à l’apprentissage en classe, sceller le passé au présent, dévoiler les traces d’une occupation ou injustice humaine et répondre aux vastes interrogations que suscite la curiosité des joyeuses tronches. Maintenant, posons la question à nos mioches sur l’histoire du fort turc, le mausolée Sidi Abderrahmane, le cimetière des princesses, dar el maakra, dar essouf, la villa Abdeltif ou encore sur le site de rahat edday ou dar essoltane (la citadelle) dont la restauration fait encore du surplace. Motus et bouche cousue… 
Article original sur Elwatan.com